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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 11 из 81)

L'AUTRE JEANNE. — Dans les bourgs et dans les campagnes on croit qu'une
fausse Jeanne a été prise à Compiègne et jugée à Rouen, car tu ne peux ni faillir
ni faiblir, car tu es invincible1 étant.guidée par les Anges: et l'on prie pour toi et
l'on t'attend. Que dira la France quand elle saura que tu t'es reniée?

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JEANNE. — Je croyais que mon roi viendrait jusqu'à Rouen avec son
armée pour me délivrer par force, ou qu'il offrirait rançon pour moi. De
mon roi aussi je suis abandonnée.

L'AUTRE JEANNE. — Ton roi n'est roi que parce que tu l'as mené au
sacre. Ton roi n'est roi que si tes voix ont dit vrai. Que dira ton roi quand il
saura que tu t'es reniée?

JEANNE. — Les voix qui me venaient de Dieu ont fait silence et m'ont
délaissée. Ah! Si l'univers m'abandonne, j'ai du moins besoin de Dieu.

l'autre jeanne. — Dieu a besoin de toi.
JEANNE. — Besoin de moi?

L'AUTRE jeanne. — Quand cesseras-tu de gémir et de chercher partout
une aide? Personne ne viendra à ton secours: tu n'as rien à attendre. C'est
toi que l'on attend. Considère non ce qui te soutient, mais ce qui repose sur
toi. Considère tout ce qui tombe si tu tombes. C'est par la charge qu'il porte
que l'homme se tient debout.

JEANNE. — Tant de malheur est sur moi....
L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte2.
JEANNE. — Tant de fatigue.
L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte.
JEANNE. — TAnt de honte.

L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte. (Elle va à die pour la mettre :
debout. Jeanne tente une faible résistance.) Prétendrais-tu me résister?
Telle que je te vois, meurtrie, défaite, les yeux battus, les joues salées de
larmes, pauvre chose humaine livrée à la fatigue, au sommeil, à la peur.
Va, tu ne lutteras pas avec moi comme Jacob avec l'Ange , car tu sais bien
maintenant que tu serais terrassée.

JEANNE. — Que prétends-tu de moi?

L'AUTRE JEANNE. — Tu es allée droit à ton roi qui ne savait plus qu'il
était roi, et tu l'as reconnu pour qu'il se reconnût lui-même. Je suis venue
vers toi qui ne savais plus que tu étais Jeanne et déjà tu t'es reconnue.
JEANNE. — Je te dis donc ce que m'a dit mon roi: «Que faut-il que je
fasse?»

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L'AUTRE JEANNE. —Tu as conduit ton roi à Reims pour qu'il y fût sacré
C'est à ton sacre que je te conduis. Comme il le reçoit à Reims, tu le
recevras à Rouen.

JEANNE. — Quel sacre peut-il y avoir pour la pauvre fille que je suis?

L'AUTRE JEANNE. — Un sacre plus brillant que le plus beau sacre royal.
Quelles hautes flammes l'éclairent! Tu seras reine, Jeanne, auprès des
Saintes Martyres. Reine pour tous ceux qui, comme toi, comparaîtront
devant des juges dé politique et de vengeance, dans la solitude et le
désarroi, et sauront que tu es près d'eux. Reine de tous ceux que l'on tue
injustement aux quatre coins du monde. Reine des peuples qu'on opprime,
reine des vaincus qu'on bâillonne, reine des prisons et des supplices, reine
de la foule des libertés qui n'en finissent pas d'être tuées et de renaître,
reine de l'espoir intraitable. Reine4 voici le j our du sacre. Voici la foule
rassemblée. Voici sur toi les yeux du monde. Voici le prêtre avec son livre.
Voici l'ampoule5 et la couronne.

JEANNE. — Voici la mort. Je n'ai que dix-neuf ans.

L'AUTRE JEANNE. — Jeanne, je t'appelle à ton dernier combat. Reprends
l'habit qui convient au combat. Reprends l'habit d'homme.

JEANNE. — Je leur6 ai fait serment....

L'AUTRE JEANNE. — Nul serment ne vaut s'il est fait par contrainte.
Reprends ton courage, reprends ta vérité, reprends la bataille. Reprends ton
habit d'homme! Es-tu prête?

JEANNE. — Je suis prête**.

THIERRY MAULNIER. Jeanne et les Juges (1949).

Примечания:

1. Ты непобедима, потому что тебя ведут (направляют) ангелы. 2. Стань сильней его.
3. Имеется в виду эпизод из Библии (Бытие, 32) о борьбе Иакова с ангелом, послан-
ным испытать его после прихода в землю Ханаанскую. В этой борьбе Иаков вышел
победителем. 4. Здесь: обращение. 5. Аллюзия на la Sainte Ampoule, сосуд с миром
(маслом), используемый при коронации французских королей. 6. Моимтюремщикам.

Вопросы:

* Quel est le passage de cette scène qui vous para t le plus éloquent et le plus
émouvant?

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HENRI IV, LE ROI TOLÉRANT

(1553-1610)

Lorsqu'il voulut glorifier l'esprit de tolérance en un vaste poème épique,
Voltaire choisit de célébrer Henri IV. On voit 'powquoi: ce roi fut l'ennemi du
fanatisme, et, pour mettre fin aux guerres religieuses, ne craignit pas d'abjurer
le protestantisme pour se faire catholique.

En décrivant, dans sa minutie pittoresque, le détail de la dernière journée
d'Henri IV, LES FRÈRES THARAUD ont su rendre hommage au moins à deux
qualités foncières du souverain: sa préoccupation constante de son royal
métier, et son courage à défier les complots du fanatisme.

Jamais le Roi n'apparut plus présent à toutes choses, et en même temps
plus mystérieux, plus lointain, plus différent de tous ceux qui l'entouraient,
que dans ce jour du vendredi, quatorzième de mai, qui fut le dernier de sa
vie. Il s'éveilla de bon matin, se fit porter ses Heures1 dans son lit, car il
avait toutes les façons d'un excellent catholique, allait tous les jours à la
messe, et même avait fondé un ordre de chevalerie religieuse, l'ordre de la
Vierge du Mont Carmel, dont les membres devaient s'abstenir de manger
de la chair le mercredi et réciter chaque matin l'office de la Vierge Marie,
ou tout au moins le chapelet.

Son fils Vendôme2 vint l'avertir que l'horoscope de ce jour ne lui était
pas favorable et qu'il devait se bien garder. «Qui vous a dit cela? fit le
Roi.— Le médecin La Brosse.» Sa Majesté, qui connaissait La Brosse,
répliqua: «C'est un vieux fou; et vous en êtes un jeune.»

On doit ajouter toutefois que l'anecdote est incertaine, encore qu'il n'y eût
guère de jour où l'on ne vînt porter au Roi quelque présage de la sorte. Il n'y
avait d'ailleurs pas d'occasion qu'il ne saisît pour se moquer de ces vains
pronostics «La vie, avec telles craintes, serait pire que la mort, disait-il
insouciamment je suis dans la main de Dieu, et ce qu'il garde est bien gardé.»
Et à ce propos, il racontait qu'un devin lui avait prédit qu'il serait enterré huit
jours après son cousin Henri Ш, lequel était mort depuis vingt ans.

Toute la matinée, il s'entretint des négociations en cours, de la guerre
qui se préparait3 des reconnaissances qu'on avait faites pour le passage de
ses troupes en Flandre, de l'état de son armée, des équipages, de l'artillerie;
d s'informa auprès des maréchaux des logis des dispositions prises dans la
rue Saint-Denis sur le parcours du cortège qui devait se dérouler le
dimanche, jour de l'entrée solennelle de la Reine à Paris; il s'enquit des
Personnages qui avaient retenu des fenêtres et où se trouvait le logis d'où

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lui-même il verrait passer sa femme; puis il se rendit à Saint-Roch4 pour y
entendre l'office. Au même moment, Ravaillac entendait aussi la messe. Il
était agenouillé dans l'église Saint-Benoît5. Qui dira les sentiments, les
pensées qui occupaient à cette heure la victime et le bourreau, le Béarnais
incrédule qui rêve de sa maîtresse, et le sombre Angoumoisin qui écoute
dans l'extase les derniers ordres de Dieu...?

On était un vendredi, jour pareil aux autres jours pour l'homme qui suit
l'office à Saint-Roch; jour terrible, jour non pareil pour l'homme qui prie
à Saint-Benoît, jour de tristesse où l'Eglise pleure sur les morts, et fait
trembler les vivants, (...) jour du plus grand sacrifice, où Jésus s'offre en
holocauste pour racheter les péchés des hommes... Pour racheter ce pauvre
royaume, ne pouvait-on sacrifier une misérable vie? Un doute pourtant, un
dernier doute fait hésiter Ravaillac. Il sait qu'il va frapper un homme en
état de péché mortel et que c'est sa vie éternelle qu'il va prendre avec sa
vie. Doit-il envoyer une âme à la damnation éternelle? Mais quoi! est-ce
encore une âme. l'esprit d'où Dieu s'est retiré*?..

Il sortit de Saint-Benoît, regagna les Cinq-Croissants6, y déjeuna avec
l'hôte7 et un nommé Colletet, marchand. .

De son côté, Sa Majesté remonta dans son carrosse, et rencontrant en
chemin messieurs de Guise et Bassompierre8 il fit descendre une dame qui
se trouvait dans le berceau9 pour prendre avec lui ses gentilshommes.

La conversation s'engagea sur un sujet assez plaisant, et soudain le Roi,
touché par cette main de glace qui depuis quelques semaines s'abattait sur
son épaule, et le jetait aux pensées graves, exprima une idée qui
aujourd'hui lui était familière, mais qui parut surprenante aux courtisans
qui l'écoutaient:

«Vous ne me connaissez pas maintenant; mais je mourrai un de ces
jours, et quand vous m'aurez perdu, vous reconnaîtrez la différence qu'il
y a de moi aux autres hommes**.»

Monsieur de Bassompierre dit alors:

«Sire, ne cesserez-vous donc jamais de nous troubler en nous disant que
vous mourrez bientôt? Vous vivrez, s'il plaît à Dieu, bonnes et longues
années. Vous n'êtes qu'en la fleur de votre âge, en une parfaite santé et
force de corps, plein d'honneurs plus qu'aucun mortel, jouissant en toute
tranquillité du plus florissant royaume du monde, aimé et adoré de vos
sujets. Belle femme, belles maîtresses, beaux enfants qui deviennent
grands, que vous faut-il de plus et qu'avez-vous à désirer davantage?»

Le Roi se mit à soupirer et répondit simplement: «Mon ami, il faut
quitter tout cela.»

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Quel étrange mot mystérieux! Quel sentiment divinatoire, que de regret
dans ce soupir! Mais la main glacée l'abandonne, l'avenir se ferme à ses
yeux; et l'on s'étonne qu'ayant jeté un tel regard sur son destin, les soucis
journaliers et les plaisirs communs puissent l'occuper encore.

JÉRÔME et JEAN THARAJJD. La Tragédie de Ravaillac (19J3).

Примечания:

1. Часослов, молитвенник. 2. Герцог Вандомский, Сезар (1594 — 1653) — побочный
сын Генриха IV, его матерью была Габриель д'Эстре. 3. С Австрийской монархией.

4.Церковь в нескольких сотнях метров от Лувра. Сохранилась до наших дней

5.На углу улиц Сен-Жак и Эколь — не сохранилась. 6. Трактир. 7. Фамилия трактир-
щика. 8. Придворные. 9. Букв, колыбель. Сидение в передней часги кареты, накрытое
пологом, подобно колыбели.

Вопросы:

* Montrer l'effort accompli par les auteurs de cette page pour humaniser la psychologie
du futur régicide.

** Quelle était cette différence?

RICHELIEU (1585-1642)
ET «LES ENNEMIS DE L'ÉTAT»

En une phrase, lapidaire, prononcée peu de temps avant sa mort, Richelieu
s'est jugé lui-même avec lucidité: «Je n'ai jamais eu d'autres ennemis que ceux
de l'Etat.» Quand on songe que ces ennemis n'étaient ni moins nombreux, ni
moins puissants аи
-dedans quau-dehors, et que tous, pourtant, furent
finalement réduits, on mesure du même coup l'œuvre du Cardinal: c'est à lui
qu'il faut rapporter le mérite d'avoir assis définitivement l'unité française.
Mais l'aristocratie qu'il mit au pas trouvera un défenseur dans Alfred de Vigny.
Associant des préjugés de classe et ses convictions personnelles, celui-ci a
traduit sous une forme mélodramatique la domination morale exercée par
Richelieu sur le faible Louis
XIII, notamment lors de la répression du complot
de trahison ourdi par Cinq-Mars et De Thou.

«Laissez-moi», dit le Roi d'un ton d'humeur. Le secrétaire d'Etat sortit
lentement. Ce fut alors que Louis XIII se vit tout entier et s'effraya du
néant qu'il trouvait en lui-même. Il promena d'abord sa vue sur l'amas de
papiers qui l'entourait, passant de l'un à l'autre, trouvant partout des
dangers et ne les trouvant jamais plus grands que dans les ressources
mêmes qu'il inventait. II se leva et, changeant de place, se courba ou plutôt

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se jeta sur une carte géographique de l'Europe; il y trouva toutes ses
terreurs ensemble, au nord, au midi, au centre de son royaume; les
révolutions lui apparaissaient comme des Euménides1; sous chaque
contrée, il crut voir fumer un volcan; il lui semblait entendre les cris de
détresse des rois qui l'appelaient et les cris de fureur des peuples; il crut
sentir la terre de France craquer et se fendre sous ses pieds; sa vue faible et
fatiguée se troubla, sa tête malade fut saisie d'un vertige qui refoula le sang
vers son cœur.

«Richelieu! cria-t-il d'une voix étouffée en agitant une sonnette; qu'on
appelle le Cardinal!»

Et il tomba évanoui dans un fauteuil.

Lorsque le Roi ouvrit les yeux, ranimé par les odeurs fortes et les sels
qu'on lui mit sur les lèvres et les tempes, il vit un instant des pages, qui se
retirèrent sitôt qu'il eut entrouvert ses paupières, et se retrouva seul avec le
Cardinal. L'impassible ministre avait fait poser sa chaise longue contre le
fauteuil du Roi, comme le siège d'un médecin près du lit de son malade, et
ûxait ses yeux étince-lants et scrutateurs sur le visage pâle de Louis. Sitôt
qu'il put l'entendre, il reprit d'une voix sombre son terrible dialogue: «Vous
m'avez appelé, dit-il, que me voulez-vous?»

Louis, renversé sur l'oreiller, entrouvrit les yeux et le regarda, puis se
hâta de les refermer. Cette tête décharnée, ornée de deux yeux flamboyants
et terminée par une barbe aiguë et blanchâtre, cette calotte et ces vêtements
de la couleur du sang et des flammes, tout lui représentait un esprit
infernal. «Régnez, dit-il d'une voix faible.