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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 33 из 81)

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les résultats si importants obtenus déjà par l'association, qui combine le
devoir collectif et la liberté individuelle. Il faut non pas dresser le
prolétariat contre le capitalisme dans une antithèse purement oratoire, mais
faire disparaître le prolétariat en exhaussant sa condition*; il faut
émanciper l'ouvrier comme la République a, déjà, émancipé le paysan. La
coopérative de production apporte à ce problème une solution vérifiée par
les faits.

J'admets, avec Léon Blum , la reprise par l'Etat des services publics ou
d'un service social comme celui des Assurances; je comprends que l'on
veuille transformer au profit de l'Etat les monopoles de fait lorsqu'ils
deviennent un moyen d'oppression; je ne serais pas choqué de voir instituer
pour l'alcool le même régime que pour le tabac. En bonne foi, je suis obligé
de faire contre le communisme — même contre le communisme de Jaurès
— la réserve de Ferdinand Buisson4: «Il restera toujours une part de
propriété qu'on ne songera pas à mettre en commun. Chacun voudra
toujours avoir à soi ses aliments, ses vêtements, ses livres, ses meubles,
pourquoi pas sa maison? Pourquoi pas son jardin? Pourquoi pas le produit
de son libre travail manuel, intellectuel, artistique? Pourquoi pas l'excédent
de ce qu'il aura produit sur ce qu'il doit à la société**?»

Je souscris à cette honnête déclaration. Décidément, je suis un radical-
socialiste.

EDOUARD HERRIOT. Pourquoi je suis radical-socialiste (1928).

Примечания:

1. Имеется в виду чисто светский характер образования, полное отделение школы
От церкви. 2. Французский политический деятель правой ориентации, был президен-
том Французской республики (1855-1922). 3. Один из самых известных руководителей
Социалистической партии (1872-1950). 4. Один из руководителей радикальной партии,
Лауреат Нобелевской премии мира (1841-1932).

Вопросы:

* Que faut-il penser de cette solution réformiste? Historiquement, vous paraît-elle
toujours possible?

** A votre avis, jusqu'où peut aller et où doit s'arrêter la mise en commun des biens
matériels que suppose tout régime collectiviste?

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JAURÈS DANS UN MEETING

JEAN JAURÈS (1859 - 1914) n'a jamais été président du Conseil. Il n'a meme
jamais fait partie d'aucune équipe ministérielle. Il demeure pourtant, par,
l'étendue de son action et de son rayonnement, par son assassinat en aout
1914, qui fit de lui un martyr de la paix, comme une des figures les plus-
représentatives de la IIIe République.

C'était aussi un tribun, capable, ainsi que l'a fait ressortir ROGER MARTIN De
GARD, de s'imposer aux foules par la puissance de sa voix et la fougue,
chaleureuse de son éloquence.

Quand Jaurès, à son tour, s'avança pour parler, les ovations redoublèrent.

Sa démarche était plus pesante que jamais. Il était las de sa journée, li
enfonçait le cou dans les épaules; sur son front bas, ses cheveux, collés de
sueur, s'ébouriffaient. Lorsqu'il eut lentement gravi les marches, et que, le
corps tassé, bien d'aplomb sur ses jambes, il s'immobilisa, face au public, il
semblait un colosse trapu qui tend le dos, et s'arc-boute, et s'enracine au
sol, pour barrer la route à l'avalanche des catastrophes.

Il cria:

«Citoyens!»

Sa voix, par un prodige naturel qui se répétait chaque fois qu'il montait
à la tribune, couvrit, d'un coup, ces millions de clameurs. Un silence
religieux se fit: le silence de la forêt avant l'orage.

Il parut se recueillir un instant, serra les poings, et, d'un geste brusque,
ramena sur sa poitrine ses bras courts. («Il a l'air d'un phoque qui prêche».
disait irrévérencieusement Paterson') Sans hâte, sans violence au départ,
sans force apparente, il commença son discours; mais, dès les premiers
mots, son organe bourdonnant, comme une cloche de bronze qui s'ébranle,
avait pris possession de l'espace, et la salle, tout à coup, eut la sonorité d'un
beffroi*.

Jacques2, penché en avant, le menton sur le poing, l'œil tendu vers ce
visage levé — qui semblait toujours regarder ailleurs, au-delà — ne perdaii
pas une syllabe.

Jaurès n'apportait rien de nouveau. Il dénonçait, une fois de plus, le
danger des politiques de conquête et de prestige, la mollesse des
diplomaties, la démence patriotique des chauvins, les stériles horreurs de la
guerre. Sa pensée était simple; son vocabulaire assez restreint; ses effets,
souvent, de la plus courante démagogie. Pourtant, ces banalités généreuses
faisaient passer à travers cette masse humaine, à laquelle Jacques
appartenait ce soir, un courant de haute tension3 qui la faisait osciller au

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commandement de l'orateur, frémir de fraternité ou de colère, d'indignation
ou d'espoir, frémir comme une harpe au vent. D'où venait la vertu ensor-
celante de Jaurès? de cette voix tenace, qui s'enflait et ondulait en larges
volutes sur ces milliers de visages tendus? de son amour si évident des
hommes? de sa foi? de son lyrisme intérieur? de son âme symphonique, où
tout s'harmonisait par miracle, le penchant à la spéculation4 verbeuse et le
sens précis de l'action, la lucidité de l'historien et la rêverie du poète, le
goût de l'ordre et la volonté révolutionnaire? Ce soir, particulièrement, une
certitude têtue, qui pénétrait chaque auditeur jusqu'aux moelles, émanait de
ces paroles, de cette voix, de cette immobilité: la certitude de la victoire
toute proche; la certitude que, déjà, le refus des peuples faisait hésiter les
gouvernements, et que les hideuses forces de la guerre ne pourraient pas
l'emporter sur celles de la paix.

Lorsque, après une péroraison pathétique, il quitta enfin la tribune,
contracté, écumant, tordu par le délire sacré, toute la salle, debout,
l'acclama. Les battements de mains, les trépignements faisaient un
vacarme assourdissant, qui, pendant plusieurs minutes, roula d'un mur à
l'autre du Cirque, comme l'écho du tonnerre dans une gorge de montagne.
Des bras tendus agitaient frénétiquement des chapeaux, des mouchoirs,
des journaux, des cannes. On eût dit un vent de tempête secouant un
champ d'épis. En de pareils moments de paroxysme, Jaurès n'aurait eu
qu'un cri à pousser, un geste de la main à faire, pour que cette foule
fanatisée se jetât, derrière lui, tête baissée, à l'assaut de n'importe quelle
Bastille**.

ROGER MARTIN DU GARD. Les Thibault, VII, L'Été 1914 (1936)

Примечания:

1. Один из персонажей романа Мартена дю Тара "Семья Тибо". 2. Жак Тибо,
герой романа. 3. Высокое напряжение: термин из электротехники, используемый
здесь как образ. 4. В философии: умозрительное построение без учета реального опы-
та. Здесь: игра идей ради самих идей, без соотнесения с реальностью.

Вопросы:

* En quoi consiste, dans tou ce début, l'art du portrait?
** Montrez la vigueur et le lyrisme de cette page.

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LE GÉNÉRAL DE GAULLE

L'EST une des plus grandes figures politiques de la France contemporaine

A un peuple foudroyé par la défaite, il rendit toutes ses espérances, tout son

élan et lui donna des armes.

Rarement plus de noblesse et de patriotisme furent unis à plus de

désintéressement.

On en jugera par le passage suivant, emprunté aux Mémoires du général. Il

s'agit d'une réunion de dix mille Français à Londres le 18 juin 1942, jour

anniversaire du fameux appel lancé en 1940 par DE GAULLE au peuple français.

Citant le mot de Chamfort1: «Les raisonnables ont duré, les passionnés
ont vécu», j'évoque les deux années que la France Libre2 vient de parcourir.
«Nous avons beaucoup vécu, car nous sommes des passionnés. Mais aussi
nous avons duré. Ah! que nous sommes raisonnables!..» Ce que nous
disons depuis le premier jour: «La France n'est pas sortie de la guerre, le
pouvoir établi à la faveur de l'abdication n'est pas un pouvoir légitime, nos
alliances continuent, nous le prouvons par des actes, qui sont les combats...
Certes, il nous fallait croire que la Grande-Bretagne tiendrait bon, que la
Russie et l'Amérique seraient poussées dans la lutte, que le peuple français
n'accepterait pas la défaite. Eh bien, nous n'avons pas eu tort...» Puis, je
salue nos combattants partout dans le monde et nos mouvements de
résistance en France. (...) «Même le douloureux courage apporté à la
défense de telle ou telle partie3 contre la France Combattante et contre ses
alliés par des troupes qu'abusent encore les mensonges de Vichy est une
preuve faussée, mais indubitable, de cette volonté des Français...» Je
constate, qu'en dépit de tout, la France Combattante émerge de l'océan
«Quand, à Bir-Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser
le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France...»

La tempête des vivats, puis l'hymne national chanté avec une ferveu
indicible sont la réponse de l'assistance. Ils l'entendent aussi ceux-là, qui
chez nous, derrière les portes, les volets, les rideaux, écoutent les ondes qui
vont la leur porter.

Les acclamations se sont tues. La réunion a pris fin. Chacun retourne
à sa tâche. Me voilà seul, en face de moi-même. (...) Je fais le bilan du
passé. Il est positif, mais cruel. «Homme par homme, morceau par
morceau», la France Combattante est, assurément, devenue solide et
cohérente. Mais, pour payer ce résultat, combien a-t-il fallu de pertes, de
chagrins, de déchirements! La phase nouvelle, nous l'abordons avec des
moyens appréciables: 70 000 hommes sous les armes, des chefs de haute

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qualité, des territoires en plein effort, une résistance intérieure qui va
croissant, un gouvernement obéi, une autorité connue, sinon reconnue,
dans le monde. Nul doute que la suite des événements doive faire lever
d'autres forces. Pourtant, je ne me leurre pas sur les obstacles de la route:
puissance de l'ennemi; malveillance des Etats alliés; parmi les Français,
hostilité des officiels et des privilégiés, intrigues de certains, inertie d'un
grand nombre et, pour finir, danger de subversion générale. Et moi, pauvre
homme! aurai-je assez de clairvoyance, de fermeté, d'habileté, pour
maîtriser jusqu'au bout les épreuves? Quand bien même, d'ailleurs, je
réussirais à mener à la victoire un peuple à la fin rassemblé, que sera,
ensuite, son avenir? Entre-temps, combien de ruines se seront ajoutées
à ses ruines, de divisions à ses divisions? (...)

Trêve de doutes! Penché sur le gouffre où la patrie a roulé, je suis son
fils, qui l'appelle, lui tient la lumière, lui montre la voie du salut. Beaucoup,
déjà, m'ont rejoint. D'autres viendront, j'en suis sûr! Maintenant, j'entends
la France me répondre. Au fond de l'abîme, elle se relève, elle marche, elle
gravit la pente. Ah! mère, tels que nous sommes, nous voici pour vous

servir*.

CHARLES DE GAULLE. Mémoires de Guerre, \ (1954).

Примечания:

1. Никола Себастьен де Шамфор (1741 - 1794)-— французский писатель-моралист.
2. Свободная Франция — патриотическое движение за освобождение Франции, осно-
ванное французами, сумевшими покинуть страну после ее оккупации фашистской
Германией. Руководителем движения был генерал де Голль. 3. Французской империи.
Здесь имеются в виду боевые действия в Сирии..

Вопросы:

* Quelle idée peut-on se faire du général de Gaulle d'après cet extrait de ses Mémoires?

COMMENT ON FORME UN MINISTÈRE

C'EST un des traits de la vie politique française que la fréquence avec
laquelles'y font et s'y défont les gouvernements. On peut regretter cette instabi-
lité: du moins témoigne-t-elle d'une rare indépendance du Parlement à l'égard
de l'exécutif...

La formation d'un nouveau ministère n'est fias toujours chose aisée et suppose
un art subtil de dosage. JULES ROMAINS nous en fournit un amusant exemple,
quand il imagine les tractations entreprises pour transformer un candidat an
Ministère des Affaires étrangères en un simple ministre du Travail...

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Un peu avant sept heures du soir, une estafette apporta à Gurau1 une
convocation de Morin, à qui le président de la République venait de confier
le soin de former le nouveau ministère.

Elle était conçue en termes fort courtois: «Si cela vous dérange de
passer chez moi, je ferai un bond jusque chez vous. Mais je suis un peu
débordé. Vous seriez gentil de venir.»

«J'ai tout de suite pensé à vous», lui dit Morin avec une douée chaleur
bordelaise. «Mes amis aussi. Votre nom ne soulève que des sympathies
Vous savez que je forme un ministère nettement de gauche. J'ai la
promesse de Caillaux pour les finances. Puis-je vous inscrire sur une liste''

— Pour ce qui est de la tendance, je n'aurais pas d'objections, en effet
Reste à savoir quel portefeuille vous pouvez me donner.

— Oui, évidemment... mais c'est vous qui comptez plus que le porte
feuille*, n'est-ce pas?., votre personne... tout ce que vous représentez... je
tâcherai de vous réserver le Travail.»