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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 73 из 81)

A Versailles, l'automne est souverain. Son sceptre y crée une féerie.
Pour le recevoir, les arbres se teintent des plus riches et des plus
somptueuses couleurs, se dorent, s'empourprent de feuillages fastueux,
jonchent les allées et les bassins, emplissent la solitude de l'éclat de leur
parure. Jamais Versailles n'est plus royal qu'en ces jours d'apothéose, qui
durent peu et qu'il ne faut pas laisser passer sans en aller admirer
l'éblouissante brièveté, car c'en est bientôt fait de cette prodigieuse
pyrotechnie végétale*. Comme un feu d'artifice, auquel elle ressemble, il
n'en reste bientôt plus que des branches noires et dénudées. Le prestige
s'est évanoui. La splendeur s'est éteinte. La semaine des arbres est
terminée**.

HENRI DE REGNIER. Sujets et Paysages (1906).

. 429


Примечания:

1. В то время каналом называли любой водоем правильной формы.

Вопросы:

* On expliquera et on justifiera cette curieuse expression.

** Montrex que le vocabulaire s'ordonne essentiellement autour de l'idée de faste, de
magnificence.

LE CORBUSIER

Par ses réalisations audacieuses comme -par les nombreux ouvrages où il
a exposé ses conceptions, Le Corbusier (Suisse d'origine, mais Français de
culture, et d'ailleurs naturalisé) s'inscrit en tête des architectes de notre temps.
Entre tous les mérites de ce grand créateur, le plus frappant est sans doute son
effort incessant pour mettre une technique révolutionnaire au service de la
simple humanité.

L'ARCHITECTURE AU SERVICE DE L'HOMME

Sans avoir jamais voulu m'opposer à Auguste Perret1 mais, au contraire,
bénéficiant de son effort, je me suis très particulièrement penché sur le
problème: logis-urbanisme, binôme2 indissociable. Je l'ai exploré selon une
règle acquise hors des écoles: du dedans au dehors, règle qui m'apparaît
être loi de la nature comme aussi bien de l'architecture.

Illustrons:

L'homme (cet homme qui est toujours, devant moi, avec ses dimensions,
ses sens, son affectivité) est assis à sa table; ses yeux se posent sur les
objets qui l'entourent: meubles, tapis, rideaux, tableaux ou photographies et
maints objets auxquels il attache signification. Une lampe l'éclairé ou le
soleil qui pénètre par la fenêtre, séparant l'ombre de la lumière, opposant
ces deux extrêmes lourds de réaction sur notre physique et notre
psychique: le clair et l'obscur. Les murs d'une chambre se referment sur lui
et sur ses agencements. Notre homme se lève marche, quitte la chambre,
passe ailleurs, n'importe où. Le voici ouvrant la porte du logis, sortant de
chez lui. Il est encore dans une maison: un corridor, des escaliers, un
ascenseur... Le voici dans la rue. Comment est fait ce dehors: hostile ou
accueillant? Sûr ou dangereux? L'homme est dans les rues de là ville, et le
voici, après certains actes successifs, hors de la ville, dans la campagne.

430


Pas une secoi'nde, l'architecture ne l'a quitté: meubles, chambre, lumière
solaire ou artificielle, respiration et température, disposition et services de
son logis; la maison; la rue; le site urbain; la ville; la palpitation de la ville;
la campagne, ses chemins, ses ponts, verdure et ciel, nature.

Architecture et urbanisme ont véritablement réagi sur tous ses gestes.
Architecture en tout: sa chaise et sa table, ses murs et ses chambres, son
escalier ou son ascenseur, sa rue, sa ville. Enchantement ou banalité, ou
ennui. Horreur même possible en ces choses. Beauté ou laideur. Bonheur
ou malheur. Ur''banisme en tout, dès qu'il s'est levé de sa chaise: lieux de
son logis, lieux de son quartier; le spectacle de ses fenêtres apprêté par les
édiles3; la vie de la rue; le dessin de la ville*.

Vous sentez: bien qu'il n'est pas un instant où la vigilance, la tendresse
aient pu faire défaut. Vous discernez bien cette vocation fraternelle de
l'architecture et de l'urbanisme au service de notre frère homme. Besoins
matériels, appétits spirituels, tout peut être comblé par cette architecture et
cet urbanisme ;attentifs. Vous sentez l'unité des fonctions, la totalité de la
responsabilité, la grandeur de la mission architecture et urbanisme.

Mais beaucoup n'ont pas mesuré qu'il s'agit en effet, ici, d'une attention
fraternelle portée à autrui. Que l'architecture est une mission réclamant de
ses servants la vocation. Que, vouée au bien du logis (et le logis abritant
après les hommes, le travail, les choses, les institutions, les pensées),
l'architecture est un acte d'amour et non une mise en scène. Que s'adonner à
l'architecture, en ces temps-ci de translation d'une civilisation déchue dans
une civilisation nouvelle, c'est comme entrer en religion, c'est croire, c'est
se consacrer, с'est se donner**.

LE CORBUSIER.Enfrefien avec les étudiants des écoles d'architecture (1943).

Примечания.:

1. Знаменитый архитектор, в частности, автор театра "На Елисейских полях" в Па-
риже. 2. Алгебраический термин: двучлен. 3. Членами городского управления, муни-
ципалитета.

Вопросы:

* Qu'v a-t-il d'expressif dans le style de ce paragraphe?

** N'y a-t-il pas eu d'autres époques, où l'architecture, précisément, a pris un caractère
profondément religieux?

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AUGUSTE RODIN (1840-1917)

en un pays qui a vu naître Jean Goujon, Germain Pilon, Puget, Pigalle, Rude
et Bourd-elle, Auguste Rodin occupe incontestablement la première place. Et
pourtant le succès n'a point souri aussitôt aux efforts de l'artiste, qui heurtait
avec trop de témérité les formules académiques. D'où le scandale suscité par
des œuvres grandioses telles que L'Age d'Airain'ou la statue de Balzac.
Rodin a été un visionnaire de la sculpture. Un créateur dont la puissance et
l'ambition dépassaient parfois les possibilités d'un art rudement enchaîné à la
matière. Un esprit assoiffé de grandeur, et en même temps un frère de la misère
humaine.

LES BOURGEOIS DE CALAIS

Sur la place publique de la ville vaincue, affamée et sans armes, les six
bourgeois ont délibéré. Pour sauver la ville de la ruine et leurs concitoyens
de la mort, ils ont fait le sacrifice de leur vie, et ils vont se livrer au roi
d'Angleterre1. Le monument de Rodin, ce n'est pas autre chose, dans un
miracle d'exécution, que l'instant précis de cet héroïsme, unanimement
accepté par les six bourgeois, mais différemment ressenti, selon la diffé-
rence des caractères qui agissent en ce drame. Les vieillards, décharnés par
les longues privations d'un siège, redressent leurs tailles en attitudes
hautaines, presque provocantes, ou bien se résignent noblement. Les jeunes
se retournent vers la ville, laissant derrière eux, dans un suprême regard, le
regret de cette vie, à peine commencée et dont ils ne connaissent que les
joies... Et le mouvement, les attitudes, les expressions sont si justes, d'un
sentiment humain si vrai que, derrière le groupe, prêt à se mettre en
marche, on entend réellement le bourdonnement de la foule qui encourage
et qui pleure, les acclamations et les adieux. Nulle autre complication, nul
souci scénique du groupement; aucune allégorie, pas un attribut2. Il n'y
a que des formes, expressives et belles, si expressives qu'elles deviennent,
véritablement, des états d'âme. Les bourgeois partent, et le drame vous
secoue de la nuque aux talons.

Ce que j'ai fait pour Les Bourgeois de Calais, on peut le faire pour
chaque figure d'Auguste Rodin. (...) Son génie, ce n'est pas seulement de
nous avoir donné d'immortels chefs-d'œuvre, c'est d'avoir fait, sculpteur, de
la sculpture, c'est-à-dire d'avoir retrouvé un art admirable et qu'on ne
connaissait plus.

Et ce qu'il y a de poignant dans les figures de Rodin, ce par quoi, en
dehors même et peut-être à cause de leur propre beauté sculpturale, elles

432


nous touchent si violemment, c'est que nous nous reconnaissons en elles, et
qu'elles sont, comme le disait Stéphane Mallarmé, «nos douloureux
camarades*».

octave mirbeau. Des Artistes.

Примечания:

1. Эдуарду III(1312 - 1377). Осада Кале происходила во время Столетней войны.
2 Деталь, конкретно определяющая социальное положение, профессию и т.п.

Вопросы:

* Appréciez la justesse de cette page d'Octave Mirbeau, par comparaison avec la photo
de la page précédente.
Connaissez-vous d'autres œuvres de Rodin, où la -puissance ne
s'exprime plus d'une façon aussi littéralement descriptive?

NOTES SUR ANTOINE BOURDELLE

(1861-1929)

BOURDELLE n'a pas été seulement un des -plus grands sculpteurs de notre
temps. Comme un Léonard de Vinci ou un Michel-Ange, c'était aussi un
créateur capable de s'exprimer de multiples façons: en peinture, en poésie, en
musique, par exemple.

CLAUDE AVELINE, qui, tout jeune, eut la chance de se compter parmi les intimes
de l'artiste approchant de la fin de sa vie, n'a pas manqué d'être frappé par la
prodigieuse vitalité qu'il manifestait toujours et qui lui faisait regretter de
n'avoir pas «trois cents années» devant lui pour donner forme à toutes les
puissances de son génie.

C'était à Saint-Cloud, il y a quelques années, dans la belle maison du
docteur Couchoud. M. France1 était son hôte et vivait là tranquille, loin des
importuns, au milieu de vieux livres et de pierres anciennes. Il me permit
de le venir voir, un matin.

Je fus reçu dans la grande salle claire qui surplombe la ville et la
campagne. On devinait à l'horizon Paris, couvert de fumées et de brumes
mêlées. Dehors, les premiers froids d'automne. Ici, une chaleur apaisante et
légère. Sur un socle, un buste de terre, par Bourdelle: M. France, la tête un
peu penchée, les épaules nues, songeur. Il dominait la pièce et paraissait
l'emplir. 11 attirait le regard, le fixait, l'enchantait.

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Or, un bruit de savates me fit tourner les yeux. Je vis M. France lui-
même, souriant. Je regardai de nouveau le buste, grave. Mes yeux allèrent
plusieurs fois de cette gravité à ce sourire. Et M. France me dit: «Vous
vous demandez lequel est le vrai?» Aujourd'hui, c'est le France de
Bourdelle qui est le vrai. Le visage de notre maître ne vit plus que par cette
effigie.

* * *

M. France disait (et l'on a reproduit ce jugement): «Bourdelle est le plus
grand artiste de notre temps, le plus grand, le plus haut, le plus fort. Y a-t-il
eu, dans l'histoire des arts, un génie créateur plus fécond et plus puissant?
Je ne lui connais qu'un défaut, qui est de concevoir quelquefois au-delà du
possible. C'est un noble défaut*.»

* * *

«Hélas, m'a dit Bourdelle, pourquoi vieillir si vite? Quand on
commence à apprendre son métier, il faut disparaître. Si quelque magicien
venait me proposer de prolonger ma vie, s'il m'était donné d'exister trois
cents ans, j'accepterais aussitôt. Les souffrances, les tristesses, les
angoisses ne sont rien devant le travail, la joie du travail.' Ce ne serait pas
trop de ces trois cents années pour réaliser toutes les maquettes2 qui
m'entourent. L'homme n'existe seulement que lorsqu'il va s'éteindre.

* * *

Dans ses vêtements de maître-ouvrier, voici Bourdelle, petit, trapu,
immense front dénudé, barbe drue de marin aux reflets bleus, nez puissant,
lèvres charnues, regard aimable, rieur, et tout à coup dur et perçant lorsqu'il
veut observer. Au cours d'un récit, une ride creuse parfois ses traits et leur
donne un aspect tragique. Mais de sa main un peu grasse, aux doigts qui
vont s'effilant, il calmait son visage et lui rendait son harmonie.

Antoine Bourdelle se lève à quatre heures du matin. Il peint, dessine,
écrit, jusqu'à l'heure où les hommes s'éveillent. Il gagne alors ses ateliers,
devient sculpteur jusqu'à la tombée du jour. Il se repose d'un labeur dans un
autre labeur, guide ses élèves et, tout en travaillant, leur prodigue les
trésors tumultueux de sa pensée. Le soir, il reprend sous la lampe les
papiers qu'il avait abandonnés le matin. Les tiroirs sont pleins de
compositions de toutes sortes, de manuscrits, de projets. Non, sans doute,
ce ne serait pas trop de ces trois cents années...

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Visages! visages synthétiques des dieux, visages multiples des hommes.
Visage hautain et méprisant d'Ingres, triste du docteur Koeberlé'1, calme
d'Anatole France, massif de Rodin, soucieux de Beethoven, réfléchi de
Rembrandt, pensif de Frazer4 digne et juvénile* d'Edouard5 et Tristan
Cortiière6. Douceur et beauté des visages de femmes.

* * *

«Ce n'est pas du dehors, a déclaré Antoine Bourdelle, qu'il faut modeler
un buste. C'est du dedans. L'architecture osseuse, habitacle de la pensée,
d'abord. Ensuite, le vêtement de chair, éclairé par l'esprit et animé par le
conflit des passions et de la volonté. Encore n'est-ce pas suffisant. Il faut,
en sus, la communion intellectuelle et sensible de l'artiste et de son modèle.
Cela, c'est le mystère de l'art, qui ne souffre pas l'arbitraire.»

CLAUDE AVELINE. Les Muses mêlées (1926).

Примечания:

l. Анатоль Франс, автор "Красной лилии", "Острова пингвинов". "Восстания ан-
гелов"
и др. 2. Эскизы скульптур. 3. Знаменитый французский хирург (1828 - 1915).
4. Шотландский фольклорист (1854 - 1941). 5. Эдуард Корбьер (1793 - 1875). просла-
вился как моряк и романист. 6. Тристан Корбьер (1845 - 1875), сын Эдуарда Корбьера,
поэт, принадлежавший к группе т.н. "проклятых поэтов", автор стихотворного сбор-
ника "Желтые любови".