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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 55 из 81)

Вопросы:

* Comment l'auteur nous intéresse-t-il à cette pauvre femme. Montrez la couleur
maritime du passage.

GUY DE MAUPASSANT (1850-1893)

entre les romanciers de l'époque réaliste ou naturaliste, MAUPASSANT se
distingue par la force nerveuse de son style, la simplicité de ses moyens
d'expression.Voici une nouvelle, dont le thème a inspiré plus d'un poète ou d'un
chansonnier (par exemple Tennyson dans Enoch Arden, ou l'auteur inconnu de
la vieille chanson du Marin qui revient de guerre
). Une intense émotion, une
grande pitié se dégagent de ce drame des humbles. Elles sont à la mesure de la
discrétion voulue par l'auteur.

320


LE RETOUR

La mer fouette la côte de sa vague courte et monotone. De petits nuages
blancs passent vite à travers le grand ciel bleu, emportés par le vent rapide,
comme des oiseaux; et le village, dans le pli du vallon qui descend vers
l'océan, se chauffe au soleil.

Tout à l'entrée, la maison des Martin-Lévesque, seule, au bord de la
route. C'est une petite demeure de pêcheur, aux murs d'argile, au toit de
chaume empanaché d'iris bleus. Un jardin large comme un mouchoir, où
poussent des oignons, quelques choux, du persil, du cerfeuil, se carre2
devant la porte. Une haie le clôt le long du chemin.

L'homme est à la pêche, et la femme, devant la loge, répare les mailles
d'un grand filet brun, tendu sur le mur ainsi qu'une immense toile
d'araignée. Une fillette de quatorze ans, à l'entrée du jardin, assise sur une
chaise de paille, penchée en arrière, raccommode du linge, du linge de
pauvre, rapiécé, reprisé déjà. Une autre gamine, plus jeune d'un an, berce
dans ses bras un enfant tout petit, encore sans geste et sans parole; et deux
mioches3 de deux ou trois ans, le derrière dans la terre, nez à nez, jardinent
de leurs mains maladroites et se jettent des poignées de poussière dans la
figure.

Personne ne parle. Seul le moutard" qu'on essaie d'endormir pleure
d'une façon continue, avec une petite voix aigre et frêle. Un chat dort sur la
fenêtre; et des giroflées épanouies font, au pied du mur, un beau bourrelet
de fleurs blanches, sur qui4 bourdonne un peuple de mouches.

La fillette qui coud près de l'entrée appelle tout à coup:

« M'man ! »

La mère répond:

«Que qu'tas?

— Le r'voilà5».

Elles sont inquiètes depuis le matin, parce qu'un homme rôde autour de
la maison; un vieux homme qui a l'air d'un pauvre. Elles l'ont aperçu
comme elles allaient conduire le père à son bateau, pour l'embarquer. Il ,
était assis sur le fossé, en face de leur porte. Puis, quand elles sont
revenues de la plage, elles l'ont retrouvé là, qui regardait la maison.

Il semblait malade et très misérable. Il n'avait pas bougé pendant plus
d'une heure; puis, voyant qu'on le considérait comme un malfaiteur, il
s'était levé et était parti en traînant la jambe.

Mais bientôt elles l'avaient vu revenir de son pas lent et fatigué; et il
s'était encore assis, un peu plus loin cette fois, comme pour les guetter.

321


La mère et les fillettes avaient peur. La mère surtout se tracassait parce
qu'elle était d'un naturel craintif, et que son homme, Lévesque, ne devait
revenir de la mer qu'à la nuit tombante.

Son mari s'appelait Lévesque; elle, on la nommait Martin, et on les avait
baptisés les Martin-Lévesque. Voici pourquoi: elle avait épousé en
premières noces un matelot du nom de Martin, qui allait tous les étés
à Terre-Neuve, à la pêche de la morue.

Après deux années de mariage, elle avait de lui une petite fille et elle
était encore grosse de six mois quand le bâtiment qui portait son mari, les
Deux-Sœurs, un trois-mâts de Dieppe, disparut.

On n'en eut jamais aucune nouvelle; aucun des marins qui le montaient
ne revint; on le considéra donc comme perdu corps et biens6.

La Martin attendit son homme pendant dix ans, élevant à grand-peine
ses deux enfants; puis, comme elle était vaillante et bonne femme, un
pêcheur du pays, Lévesque, veuf avec un garçon, la demanda en mariage.
Elle l'épousa, et eut encore de lui deux enfants en trois ans.

Ils vivaient péniblement, laborieusement. Le pain était cher et la viande
presque inconnue dans la demeure. On s'endettait parfois chez le
boulanger, en hiver, pendant les mois de bourrasques. Les petits se
portaient bien, cependant. On disait:

«C'est des braves gens, les Martin-Lévesque. La Martin est dure à la
peine, et Lévesque n'a pas son pareil pour la pêche.»

La fillette assise à la barrière reprit:

«On dirait qu'y nous connaît. C'est p't-être ben quéque pauvre
d'Epréville ou. d'Auzebosc7

Mais la mère ne s'y trompait pas. Non, non, ça n'était pas quelqu'un du
pays, pour sûr!

Comme il ne remuait pas plus qu'un pieu, et qu'il fixait ses yeux avec
obstination sur le logis des Martin-Lévesque, la Martin devint furieuse et,
la peur la rendant brave, elle saisit une pelle et sortit devant la porte.

«Que que vous faites là?» cria-t-elle au vagabond.

Il répondit d'une voix enrouée:

«J'prends la fraîche, donc! J'vous fais-ti tort8? »

Elle reprit:

«Pourqué qu'vous êtes quasiment en espionnance devant ma maison9

L'homme répliqua:

«Je n'fais d'mal à personne. C'est-i point10 permis d's'asseoir sur la
route?»

Ne trouvant rien à répondre, elle rentra chez elle.

322


Le journée s'écoula lentement. Vers midi, l'homme disparut. Mais il
repassa vers cinq heures. On ne le vit plus dans la soirée.

Lévesque rentra à la nuit tombée. On lui dit la chose. Il conclut:

«C'est quéque fouineur ou quéque malicieux11

Et il se coucha sans inquiétude, tandis que sa compagne songeait à ce
rôdeur qui l'avait regardée avec des yeux si drôles12.

Quand le jour vint, il faisait grand vent, et le matelot, voyant qu'il ne
pourrait prendre la mer, aida sa femme à raccommoder ses filets.

Vers neuf heures, la fille aînée, une Martin, qui était allée chercher du
pain, rentra en courant, la mine effarée et cria:

«M'man, le r'voilà!»

La mère eut une émotion, et, toute pâle, dit à son homme:

«Va li parler, Lévesque, pour qu'il ne nous guette point comme ça,
parce que, me, ça me tourne les sangs 13

Et Lévesque, un grand matelot au teint de brique, à la barbe drue et
rouge, à l'œil bleu percé d'un point noir, au cou fort, enveloppé toujours de
laine par crainte du vent et de la pluie au large, sortit tranquillement et
s'approcha du rôdeur.

La mère et les enfants les regardaient de loin, anxieux et frémissants.

Tout à coup, l'inconnu se leva et s'en vint, avec Lévesque, vers la
maison.

La Martin, effarée, se reculait. Son homme lui dit:

«Donne-lui un p'tieu de pain et un verre de cidre, 1 n'a rien mâqué
depuis avant-hier14

Et ils entrèrent tous deux dans le logis, suivis de la femme et des
enfants. Le rôdeur s'assit et se mit à manger, la tête baissée sous tous les
regards.

La mère, debout, le dévisageait; les deux grandes filles, les Martin,
adossées à la porte, l'une portant le dernier enfant, plantaient sur lui leurs
yeux avides, et les deux mioches, assis dans les cendres de la cheminée,
avaient cessé de jouer avec la marmite noire, comme pour contempler aussi
cet étranger.

Lévesque, ayant pris une chaise, lui demanda:

«Alors vous v'nez de loin?

— J'viens d'Cette15.

— A pied, comme ça?..

— Oui, à pied. Quand on n'a pas les moyens, faut ben.

— Ousque16 vous allez donc?

— J'allais t'ici17.

323


— Vous y connaissez quéqu'un?

— Ça se peut ben.»

Ils se turent. Il mangeait lentement, bien qu'il fût affamé, et il buvait une
gorgée de cidre après chaque bouchée de pain. 11 avait un visage usé, ridé,
creux partout, et semblait avoir beaucoup souffert.

Lévesque lui demanda brusquement:

«Comment que vous vous nommez?»

Il répondit sans lever le nez:

«Je me nomme Martin. »

Un étrange frisson secoua la mère. Elle fit un pas, comme pour voir de
plus près le vagabond, et demeura en face de lui, les bras pendants, la
bouche ouverte. Personne ne disait plus rien. Lévesque enfin reprit:

«Etes-vous d'ici?»

Il répondit:

«J'suis d'ici.»

Et comme il levait enfin la tête, les yeux de la femme et les siens se
rencontrèrent et demeurèrent fixes, mêlés, comme si les regards se fussent
accrochés.

Et elle prononça tout à coup, d'une voix changée, basse, tremblante:

«C'est-y té'8, mon homme?»

Il articula lentement:

«Oui, c'est me19

II ne remua pas, continuant à mâcher son pain.

Lévesque, plus surpris qu'ému, balbutia:

«C'est té, Martin?»

L'autre dit simplement:

«Oui, c'est me.»

Et le second mari demanda:

« D'où que tu d'viens donc?»

Le premier raconta:

«D'ia côte d'Afrique. J'ons sombré sur un banc. J'nous sommes ensauvés
à trois. Picard, Vatinel et me. Et pi j'avons été pris20 par des sauvages qui
nous ont tenus douze ans. Picard et Vatinel sont morts. C'est un voyageui
anglais qui m'a pris-t-en passant21 et qui m'a reconduit à Cette. Et me v'ià»

La Martin s'était mise à pleurer, la figure dans son tablier.

Lévesque prononça:

«Que que j'allons fé, à c't'heure22

Martin demanda:

«C'est té qu'es s'n'homme?»

324


Lévesque répondit:

«Oui, c'est me!»

Ils se regardèrent et se turent.

Alors, Martin, considérant les enfants en cercle autour de lui, désigna
d'un coup de tête les deux fillettes.

«C'est-i1 les miennes?»

Lévesque dit:

«C'est les tiennes.»

Une se leva point; il ne les embrassa point; il constata seulement:

«Bon Dieu, qu'a sont grandes23

Lévesque répéta:

«Que que j'allons fé?»

Martin, perplexe, ne savait guère plus. Enfin il se décida

«Moi, j'frai à ton désir. Je n'veux pas t'faire tort. C'est contrariant tout de
même, vu la maison. J'ai deux étants, tu n'as trois24, chacun les siens. La
mère, c'est-ti à té, c'est-ti à me? J'suis consentant à ce qui te plaira; mais la
maison, c'est à me, vu qu'mon père me l'a laissée, que j'y suis né, et qu'elle
a des papiers chez le notaire.»

La Martin pleurait toujours, par petits sanglots cachés dans la toile
bleue du tablier. Les deux grandes fillettes s'étaient rapprochées et
regardaient leur père avec inquiétude.

Il avait fini de manger. Il dit à son tour:

«Que que j'allons fé?»

Lévesque eut une idée:

«Faut aller chez l'curé, i' décidera.»

Martin se leva, et, comme il s'avançait vers sa femme, elle se jeta sur sa
poitrine en sanglotant:

«Mon homme! te v'ià! Martin, mon pauvre Martin, te v'ià!»

Et elle le tenait à pleins bras, traversée brusquement par un souffle
d'autrefois, par une grande secousse de souvenirs qui lui rappelaient ses
vingt ans et ses premières étreintes.

Martin, ému lui-même, l'embrassait sur son bonnet. Les deux enfants,
dans la cheminée, se mirent à hurler ensemble en entendant pleurer leur
mère, et le dernier-né, dans les bras de la seconde des Martin, clama d'une
voix aiguë comme un ûfre faux.

Lévesque, debout, attendait:

«Allons, dit-il, faut se mettre en règle.»

Martin lâcha sa femme, et, comme il regardait ses deux filles, la mère
leur dit:

325


«Baisez vot'pé25, au moins.»

Elles s'approchèrent en même temps, l'œil sec, étonnées, un peu
craintives. Et il les embrassa l'une après l'autre, sur les deux joues, d'un
gros bécot26 paysan. En voyant approcher cet inconnu, le petit enfant
poussa des cris si perçants, qu'il faillit être pris de convulsions.

Puis les deux hommes sortirent ensemble.

Comme ils passaient devant le café du Commerce, Lévesque demanda:

«Si nous prenions toujours27 une goutte28?

— Moi j'veux ben», déclara Martin.

Ils entrèrent, s'assirent dans la pièce encore vide.

«Eh! Chicot, deux fil-en-six29, de la bonne, c'est Martin qu'est r'venu.
Martin, celui à ma femme, tu sais ben, Martin des Deux-Sœurs, qu'était
perdu».

Et le cabaretier, trois verres d'une main, un carafon de l'autre,
s'approcha, ventru, sanguin, bouffi de graisse, et demanda d'un air
tranquille:

«Tiens! te v'ià donc, Martin?»

Martin répondit:

«Me v'là*!...»

GUY DE MAUPASSANT. Contes.

Примечания:

1. См. наш Том П. 2. Находился (глагол подразумевает, что огородик был квадрат-
ной формы). 3. Малышей(разг.). 4. Normalement, on attendrait sur lesquelles. Sur qui ne
s'emploie plus guère aujourd'hui que pour les personnes. 5. Parler campagnard.: Maman! -
Qu'est-ce que lu as?—Le revoilà: le voilà encore (familier). 6. Морской термин, озна-
чающий, что погибло все— экипаж, груз и судно. 7. Qu'il nous connaît. — Peut-être
bien. Quelque pauvre. 8. Prendre la fraîche, дышу свежим воздухом. — Est-ce que
vous fais ton? 9. Pourquoi êtes-vous comme en espionnage... 10. C'est-// point, n'est-ce
point?.. 11. Какой-нибудь любопытный или злоумышленник. 12. Странные
13. Va lui parler. — Ça me tourne les sangs: меня это тревожит, пугает. 14. Donne-lui un
petit peu de pain. — II n'a rien mâché, mangé... 15. Сет, портнаСредиземномморе
16. Où est-ce que... 17. J'allais ici (liaison fautive et populaire). 18. Toi. — 19. Moi. 20. Мы
(судно) разбилисьипотонулинарифе. Nous nous sommes sauvés. — Nous тот, été
pris. 21. M'a pris en passant, (liaison fautive.) 22. Qu'allons-nous faire à cette heure,
maintenant? 23. Qu'elles sont grandes! 24. J'ai deux enfants, tu en as trois. 25. Votre pèie
26. Поцелуй в щеку (разг.). 27. Все-таки, по крайней мере. 28. Постаканчик)
29. Крепкаянормандскаяводка.