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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 14 из 81)

Вопросы:

* Préciser l'attitude de Frédéric et celle de Hussonnet.

** On comparera ce tableau d'émeute avec: La mort de Gavroche, de Victor Hugo.

FIDÉLITÉ DANS LA DÉFAITE

(1870—1871)

Si c'est dans l'adversité qu'on découvre ses vrais amis, la France fut com-
prendre, après le désastre de Sedan et le dur traité de Versailles, qui s'ensuivit,
quel amour lui vouaient ses fils d'Alsace et de Lorraine. Combien furent-ils
alors à abandonner leur domicile, leurs biens, leur famille, simplement parce
qu 'ils ne pouvaient supporter de ne plus être Français! Ce fut un prodigieux
exode, suscité par une sorte d'irrésistible instinct patriotique. MAURICE BARRES
(1862 1923), Lorrain lui-même, a, dans Colette Baudoche, dépeint un drame
de tous Içs temps, hélas! et que l'écrivain relate avec émotion.

Regarde cette route, en bas, disait-elle1, la route de Metz à Nancy. Nous
y avons vu, ton grand-père et moi, des choses à peine croyables. C'était à la
fin de septembre 1872 et l'on savait que ceux qui ne seraient pas partis
le 1er octobre deviendraient Allemands. Tous auraient bien voulu s'en aller,

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mais quitter son pays, sa maison, ses champs, son commerce, c'est triste, et
beaucoup ne le pouvaient pas. Ton père disait qu'il fallait demeurer et
qu'on serait bientôt délivré. C'était le conseil que donnait Monseigneur
Dupont des Loges2. Et puis la famille de V... nous suppliait de rester,
à cause du château et des terres. Quand arriva le dernier jour, une foule do
personnes se décidèrent tout à coup. Une vraie contagion, une folie. Dans
les gares, pour prendre un billet, il fallait faire la queue des heures entières.
Je connais des commerçants qui ont laissé leurs boutiques à de simples
jeunes filles. Croiriez-vous qu'à l'hospice de Gorze, des octogénaires
abandonnaient leurs lits! Mais les plus résolus étaient les jeunes gens.
même les garçons de quinze ans. «Gardez vos champs, disaient-ils au père
et à la mère; nous serons manœuvres en France.» C'était terrible pour le
pays, quand ils partaient à travers les prés, par centaines et centaines. Et
l'on prévoyait bien ce qui est arrivé, que les femmes, les années suivantes,
devraient tenir la charrue. Nous sommes montés, avec ton grand-père, de
Gorze jusqu'ici, et nous regardions tous ces gens qui s'en allaient vers
l'ouest. Лperte de vue, les voitures de déménagement se touchaient, les
hommes conduisant à la main leurs chevaux, et les femmes assises avec les
enfants au milieu du mobilier. Des malheureux poussaient leur avoir dans
des brouettes. De Metz à la frontière, il y avait un encombrement comme
à Paris dans les rues. Vous n'auriez pas entendu une chanson, tout le monde
était trop triste, mais, par intervalles, des voix nous arrivaient qui criaient:
«Vive la France!» Les gendarmes, ni personne des Allemands n'osaient
rien dire; ils regardaient avec stupeur toute la Lorraine s'en aller. Au soir.
le défilé s'arrêtait; on dételait les chevaux, on veillait jusqu'au matin dans
les voitures auprès des villages, à Dornot, à Comy, à Novéant. Nous
sommes descendus, comme tout le monde, pour offrir nos services à ces
pauvres camps-volants3. On leur demandait: «Où allez-vous?» Beaucoup ne
savaient que répondre: «En France...» (...) Nous avons pleuré de les voit
ainsi dans la nuit. C'était une pitié tous ces matelas, ce linge, ces meubles
entassés pêle-mêle et déjà tout gâchés. Il paraît qu'en arrivant à Nancy, ils
s'asseyaient autour des fontaines, tandis qu'on leur construisait en hâte des
baraquements sur les places. Mais leur nombre grossissait si fort qu'on
craignait des rixes avec les Allemands, qui occupaient encore Nancy, et
l'on dirigea d'office sur Vesoul plusieurs trains de jeunes gens...
Maintenant, pour comprendre ce qu'il est parti de monde, sachez qu'à Metz,
où nous étions cinquante mille, nous ne nous sommes plus trouvés que
trente mille après le 1-er octobre*.

MAURICE BARRÉS. Colette Baudoche (1909)


Примечания:

1. Г-жа Бадош, мать Колетты. 2. Епископ Мсца. 3. В точном значении: отряды пе-
хоты, рассредоточенные на местности для наблюдения за неприятелем. Впоследствии
так стали называть цыган, таборы которых останавливались на ночлег у дороги. Здесь
имеются в виду беженцы. 4. D'autorité.

Вопросы:

* D'après cette page, commentez et appréciez ce jugement de Maurice Barris sur
lui-même: "Si j'avais pensé le monde comme j'ai pensé la Lorraine, je serais vraiment
un citoyen de l'humanité".

BLESSÉS EN 14-18

Les soldats de 14-18, c'est Georges Duhamel, dans un livre resté justement
célèbre, qui les a appelés des Martyrs. Et le mot n'est pas trop fort pour
désigner ceux qui subirent dans les tranchées une interminable passion de
cinquante-deux mois.

Pourtant, même aux pires moments de cette guerre, il subsistait des lueurs
d'espoir, comme le montre PAUL VIALAR, dans ce dialogue de deux soldats qui
viennent d'être blessés sur le champ de bataille.

Une grande lassitude s'est emparée de moi. Non, non, il ne fallait pas
que je me laisse aller, que je me laisse aller:
«Si on essayait..., ai-je dit.

— Quoi?

— De s'en aller.

— On peut pas1 marcher.»

Une affreuse amertume m'est montée à la bouche: «Ah! ai-je fait, les
dents serrées, ça nous a bien foutus2 par terre, cette guerre tout de même!
Tu vivais par terre, tu mangeaisparterre, tudormaisparterre... pour un coup
qu'tu te mets debout, on te rappelle à l'ordre: tu vas crever par terre!»
Alors, il a été pris d'une rage froide: «D'abord on crèvera pas", ça non,
j'veux pas, a-t-il fait avec violence entre ses dents serrées. Dis comme moi,
dis qu'on crèvera pas...

— Faut pas, non, faut pas, ai-je répété pour m'en convaincre. —
J'pourrais p'fêtre4 essayer de te tirer?

— Où irait-on?

— Je ne sais pas, mais on s'en irait, voilà! Ah! a-t-il fait dans un grand
soupir horrible, ça m'refait mal! J'avais plus mal, pendant un instant
J'croyais qu'j 'étais guéri!

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— C'est comme la guerre, ai-je dit, tu t'trouves en permission, c'est plus
la guerre... et tu crois qu'fes guéri!»

Le lourd silence est retombé sur nous. J'ai pensé à ce que je venais de
dire, aux jours d'où je sortais, cela m'a raccroché à un espoir, j'ai dit: «On
oublie vite, tout de même!»

Mais j'ai entendu la voix de «la Volige»5 qui me répondait:

«Jamais, non, jamais ça n'sera possible d'oublier ça!

— Pourquoi? ai-je dit, si on se souvenait toujours, on ne dormirait plus
jamais*»

De penser qu'on aurait au moins le sommeil, ça a dû lui redonner une
vision d'espoir, à «la Volige»:

«Tiens, a-t-il fait, j'vas6 t'dire c'qui va s'passer: on va rester encore un
peu ici, jusqu'à c'qu'on nous trouve, et pis, vers le matin, on va voir des
gars s'amener7 sur le bled8, ça sera les brancos...

— Oh! oui, ai-je fait, illuminé, ça sera eux... les brancardiers....

— Oui... Y9 nous prendront sur leur sommier à creux et pis10 «en route»...
en route... chaise à porteurs....

— Et puis le poste de secours....

— Les autos....

— Le train....

— L'train qui fume... et les p'tites dames qui viennent aux stations:
«Encore un peu à boire, militaire?..»
On s'excitait l'un l'autre, on se montait:
«Et puis l'hôpital....

— Avec des lits....

— Des lits avec des draps....

— Des vrais lits, quoi!»

Il disait ça, «la Volige», dans une sorte de sanglot de joie, déjà il se
croyait sauvé. Il m'a saisi l'épaule, m'a secoué comme si je n'avais pas été
blessé. Et il répétait:

«Ah! Lamaud... mon vieux Larnaud!..» Mais soudain il s'est tu; puis,
tout à coup, dégrisé, il a dit: «(...) Via mon pied qui m'refait mal!» Après
ça, très longtemps, on est resté sans parler, on avait le cœur trop gros".

Ce n'est que beaucoup plus tard dans la nuit qu'il a repris, «la Volige»:

«C'quI2est terrible, c'est d'être là, cloué, et de n'pouvoir rien faire.

— Oui, ai-je répondu; sous le barrage13, encore, tu te baisses, tu te
relèves; tu te défends... mais ici... »

Alors il a dit ces mots naïfs, atroces:

«Faut vraiment avoir l'habitude de vivre pour pas s'iaisser mourir!»

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Sur le moment, seul le mot «vivre» m'a frappé. Je m'y suis raccroché
comme à une bouée:

«Vivre!»... Dis donc, «la Volige», on vivra peut-être encore!

— Mais oui, mon gros, a-t-il fait comme un peu honteux de sa
défaillance.

— C'est quelque chose, ai-je dit sentencieusement, de se dire ça, de se
dire qu'on n'est pas tout à fait mort encore.... Quand on pense qu'il y a des
villes —j'en venais —où il y a des tramways... des métros....

— Des types qui achètent leur journal...*»
Soudain il m'a demandé:

«De quoi qu't'as14 l'plus envie?»

Ah! je le savais, de quoi j'avais le plus envie! Surtout, avant tout, de ne
plus être tout seul, de ne plus vivre seul, d'avoir une femme, une vraie,
à moi... un amour. Lui, il a dit, sans me laisser le temps de répondre:

« Moi... c'est d'un bifteck aux pommes15... J'voudrais, comme ça, entrer
dans un p'tit restaurant qu'j'aurais choisi, un vrai, avec desp'tits rideaux, des
p'tites lampes, des p'tites tables... et pouvoir commander: «Garçon, un
bifteck «bien saisi... avec des pommes... »

— Dorées...

— Paille16, a-t-il fait comme s'il en avait déjà plein la bouche.

— Moi, ai-je repris, j'aurai peut-être plus droit à tout ça avec mon
ventre17.

— Mais si, a dit «la Volige», c'est pas une maladie qu' t'as, c'est une
blessure.

— C'est plus mauvais.

— Non, a-t-il fait, une blessure c'est... c'est naturel.»

Alors, naïvement, je me suis laissé aller à lui confier ce que j'avais sur
le cœur; je savais bien que nous en étions à un moment où il comprenait:

«Ce que je voudrais, vois-tu, «la Volige», ça serait d'avoir quelqu'un qui
compte pour moi.

— Une femme?

— Voilà.

— Toi, a-t-il fait, tu as une idée.»

Oui, c'était bien une idée, et seulement une idée que j'avais.
«Peut-être, ai-je dit.

— T'as quelqu'un?»

Alors j'ai dit «oui». J'ai menti, tellement j'avais besoin de le croire. Il
a repris, épousant mon jeu:

«Tu lui mettras un mot quand c'est qu'tu s'ras18 à l'hôpital et elle viendra.

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— Oui, ai-je répété fermement, elle viendra.»

Il a eu alors ce mot admirable*:

«Si tu crois qu'elle viendra, t'es pas un homme perdu.»

PAUL VIALAR: Les Morts vivants (1947).
Примечания:

1. Suppression populaire de: ne. 2. Жаргонное выражение: доконала, свалила с ног.
3. Просторечное выражение: сдохнуть, отдать концы. 4. Populaire, pour: peut-être.
5. Прозвище персонажа, с которым беседует рассказчик, Ларно. 6. Populaire pour: je
vais. 1. Populaire: venir. 8. Местность, поле (слово арабского происхождения).
9. Populaire pour: ils. 10. Populaire pour: et puis. 11. Разговорное выражение, означаю-
щее: огорчены, опечалены. 12. На солдатском жаргоне — заградительный огонь.
По-русски примерно "заградогонь". 13. Populaire: as-tu. 14 Abréviation pour: pommes
de terre frites. 14. Нарезанные "соломкой". 15. Рассказчикбылраненвживот.
16. Populaire pour: quand tu seras.

Вопросы:

* La suite du récit ne justifie-t-elle pas ce propos?

** Par quel moyen les deux blessés pat-viennent-ils à re prendre espoir et goût à la vie ?