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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 67 из 81)

Правда, 1848 г. оживил надежду, что Наука освободит человечест-
во от его тысячелетнего бремени и растворит ворота братства. Но бла-
городная эта иллюзия окончательно померкла после жесточайшего
поражения при Седане... И французская интеллигенция, ведомая Тэ-
ном, замкнется, вплоть до начала XXв., в детерминизме, столь же
строгом, сколь и последовательном. Величайшая заслуга Анри Берг-
сона заключается в том, что он стряхнул сциентическое иго, напом-
нив, что реальность зыбка, и что в постижении ее интуиция гораздо
действенней, чем чисто интеллектуальный анализ. Одновременно
Шарль Пеги, чувствовавший надвижение чудовищной угрозы, пытал-
ся соединить две основополагающие грани французской души: мир-
скую страсть к истине и христианскую добродетель милосердия.

Война 1914 — 1918 гг. так основательно исчерпала Францию, что
после нее страна словно бы решила предаться отдыху, и мысль ее

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слегка обуржуазилась. Правда, то была временная пауза, так как в
Магические дни катастрофы 1940 г. миру была подарена одна из са-
мых смелых и возвышенных философских систем - экзистенциа-
Однако два великих жреца нового учения, Сартр и Камю через
несколько лет разошлись - один в направлении пролетарской рево-
люции второй - индивидуального бунта, явив тем самым как бы по-
следний пример извечного французского диалога...


MONTAIGNE (1533-1592)

avant de parvenir à la sagesse qui s'exprime dans le troisième livre des
Essais, MONTAIGNE était passé par une double crise: la crise stoïcienne qui, en
fait, était surtout d'origine livresque, et la crise sceptique qui le débarrassa
d'une philosophie d'emprunt et lui révéla les insuffisances de la pure théorie
Au reste, la pensée de Montaigne procède par de longs tâtonnements; elle ne
chemine pas sans hésitation, ne craint point les détours; elle est le fruit d'une
expérience jamais lasse de s'exercer, surtout sur soi-même.

UN SCEPTIQUE

...A peine oserai-je dire la vanité et la faiblesse que je trouve chez moi.
J'ai le pied si instable et si mal assis' je le trouve si aisé à crouler2 et si prêt
au branle3 et ma vue si déréglée, que à jeun je me sens autre qu'après le
repas; si ma santé me rit, et la clarté d'un beau jour, me voilà honnête
homme5; si j "ai un cor qui me presse l'orteil, me voilà renfrogné, mal
plaisant, inaccessible. Un même pas de cheval me semble tantôt rude,
tantôt aisé, et même chemin à cette heure plus court, une autre fois plus
long, et une même forme ores6 plus, ores moins agréable. Maintenant je
suis à tout faire, maintenant à rien faire; ce qui m'est plaisir à cette heure,
me sera quelquefois peine. Il se fait mille agitations indiscrètes et casuel
les7 chez moi. Ou l'humeur mélancolique me tient, ou la colérique; et, de
son autorité privée8 à cette heure le chagrin prédomine en moi, à cette
heure l'allégresse. Quand je prends des livres, j'aurai aperçu en tel passage
des grâces excellentes et qui auront féru9 mon âme; qu'une autre fois j'y
retombe, j'ai beau le tourner et virer, j'ai beau le plier et le manier, c'est une
masse inconnue et informe pour moi.

En mes écrits même je ne retrouve pas toujours l'air de ma première
imagination: je ne sais ce que j'ai voulu dire, et m'échaude10 souvent
à corriger et y mettre un nouveau sens, pour avoir perdu" le premier, qui
valait mieux. Je ne fais qu'aller et venir; mon jugement ne tire pas toujours
en avant; il flotte, il vague,

Velut minuta magno

Deprensa navis in mari vesaniente vento12.

Maintes fois (comme il m'advient de faire volontiers) ayant pris pour
exercice et pour ébat à maintenir une contraire opinion à la mienne, mon
esprit, s'appliquant et tournant de ce côté-là, m'y attache si bien que je ne
trouve plus la raison de mon premier avis, et m'en dépars11. Je m'entraîne

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quasi14 où je penche, comment que ce soit15, et m'emporte de16 mon poids.
Chacun à peu près en dirait autant de soi, s'il se regardait comme moi*.

Essais, II, XII(1580-1588).

Примечания:

1. Так непрочно опирающаяся на землю. 2. Дрогнуть. 3. Настолько готова пошат-
нуться. 4 Ainsi que. 5. Благовоспитанный, учтивый человек. 6. То .. то.. . 7 Случай-
ные. 8. Самопроизвольно, стихийно. 9. Потрясут. 10. Je me donne chaud à... — ямуча-
юсь, je me tourmente à... 11. Parce que j'ai perdu 12. Как маленький корабль, застигну-
тый в открытом море свирепым ветром. — Катулл (лат). 13. И от него отхожу, отка-
зываюсь. 14. В каком-то смысле. 15. Тем или иным образом. 16. Под воздействием.

Вопросы:

* Attachez-vous à souligner ici la souplesse de la pensée et de son expression. Montrez
que le scepticisme de l'auteur repose sur une
observation personnelle et concrète. — Faites
vous-même, à la manière de Montaigne, un essai de vos dispositions intellectuelles ou
morales.

DESCARTES (1596-1650)

Le trait de génie initial de DESCARTES fut de partir à peu près du 'point où
avait abouti Montaigne et d'instituer, au lieu d'une simple sagesse individuelle
fondée sur des vues approximatives, une «méthode» infaillible 'pour «bien
conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences». Pour ce faire, il
s'enferma dans «son poêle » et y élabora les quatre règles qui constituent la

base du cartésianisme.

Mais cet effort constructif avait été lui-même précédé d'une période moins
spéculative: celle où le philosophe, déblayant sa jeune cervelle de tout le fatras
dont on l'avait encombrée, s'en fut hardiment quérir la vérité dans «le grand
livre du monde»...

EN LISANT DANS LE GRAND LIVRE DU MONDE
Sitôt que l'âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs, je
quittai entièrement l'étude des lettres2. Et me résolvant de ne chercher plus
d'autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans
le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager, à
voir des cours3 et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et

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conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans
les rencontres que la fortune4 me proposait, et partout à faire telle réflexion
sur les choses qui se présentaient ques j'en pusse tirer quelque profit. Car il
me semblait que je pourrais rencontrer plus de vérité dans les rai-
sonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont
l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que
fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne
produisent aucun effet, et qui ne lui sont d'autre conséquence6 sinon que
peut-être il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles seront plus éloignées du
sens commun, à cause qu'il aura dû employer d'autant plus d'esprit et
d'artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. Et j'avais toujours un
extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux, pour voir clair
en mes actions et marcher avec assurance en cette vie.

Il est vrai que pendant que je ne faisais que considérer les mœurs des
autres hommes, je n'y trouvais guère de quoi m'assurer, et que j'y
remarquais quasi7 autant de diversité que j'avais fait auparavant entre les
opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j'en retirais
était que, voyant plusieurs choses, qui, bien qu'elles nous semblent fort
extravagantes et ridicules, ne laissent pas d'être8 communément reçues et
approuvées par d'autres grands peuples, j'apprenais à ne rien croire trop
fermement de ce qui ne m'avait été persuadé que par l'exemple et par la
coutume; et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d'erreurs qui
peuvent offusquer notre lumière naturelle et nous rendre moins capables
d'entendre raison. Mais, après que j'eus employé quelques années à étudier
ainsi dans le livre du monde et à tâcher d'acquérir quelque expérience, je
pris un jour la résolution d'étudier aussi en moi-même, et d'employer toutes
les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devrais suivre. Ce qui
me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais
éloigné ni de mon pays ni de mes livres*.

Discours de la Méthode (1637), lre partie.
Примечания:

I. В северных странах — комната с большой изразцовой печью. 2. Имеются в виду
книги вообще — и изящная словесность, и ученые трактаты. 3. Королевские дворы,
придворные. 4. Случай. 5. Telle réflexion... que (conséquence). 6. Qui n'ont pour lui
d'autre conséquence que de lui en faire tirer d'autant plus... 7. Почти. 8. Ne manquent pas
d'être...sont pourtant...

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Вопросы:

* Qu'est-ce qu'un homme d'aujourd'hui aimera dans cette n expérience », renouvelée de
Montaigne? Montrez que la phrase de Descartes est einore tout alourdie par l'influence
du
latin, et, à cet égard, en recul par rapport au français du Moyen Age.

BLAISE PASCAL (1623-1662)

*

DESCARTES était un rationaliste aux yeux de qui les mathématiques
constituaient la plus haute activité de l'esprit. Pour PASCAL, au contraire, il
existe, au-dessus de l'intelligible pur, un monde surnaturel qui nous dépasse,
mais dont il sent et voudrait impatiemment nous faire partager la présence.
D'où ce cri, par quoi s'ouvre le Mémorial de Jésus: «Dieu d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob, non celui des savants et des philosophes...
»
Par là, l'auteur des Pensées s'insère directement dans le courant antiintellectu-
aliste qu'avait inauguré Montaigne: mais il dépasse le scepticisme un peu terre
à terre de son prédécesseur pour atteindre une certitude plus haute, celle qui
part du «cœur» et aboutit à Dieu. Pensée mystique, si l'on veut: mais il y a un
mysticisme français, comme il y a une libre pensée française.

DIEU SENSIBLE AU CŒUR

C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison; voilà ce que c'est que la
foi: Dieu sensible au cœur, non à la raison.

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le sait en mille
choses. Je dis que le cœur aime l'Être universel naturellement, et soi-même
naturellement, selon qu'il s'y adonne1 et il se durcit contre l'un ou l'autre, à
son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre: est-ce par raison que

vous vous aimez?

Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore
par le cœur; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers
principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part,
essaie de les combattre. Les pyrrhoniens2 qui n'ont que cela3 pour objet, y
travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point; quelque
impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne
conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas
l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la
connaissance des premiers principes, comme4 qu'il y a espace, temps,
mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos

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raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du. cœur et de
l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son
discours. Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les
nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux
nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les
propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par différentes
voies. Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur
des preuves de ces premiers principes, pour vouloir y consentir, qu'il serait
ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment5 de toutes les
propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.

Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui
voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude comme s'il
n'y avait que la raison capable de nous instruire. Plût à Dieu que nous n'en
eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses
par instinct et par sentiment! Mais la nature nous a refusé ce bien; elle ne
nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte;
toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement.

Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du
cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés. Mais à ceux qui ne
l'ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant
que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n'est
qu'humaine, et inutile pour le salut*.

Pensées (publiées en 1670).
Примечания:

1. В той мере, в какой оно предано любви. 2. Скептики. 3. У которых одна цель —
борьба против главных принципов, диктуемых человеку сердцем 4. Comme = par
exemple. 5. Чувство противопоставляется доказательствам.