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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 54 из 81)

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reflux de cette eau, son bruit continu, mais renflé par intervalles, frappant
sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes
que la rêverie éteignait en moi, et suffisaient pour me faire sentir avec
plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De temps à autre
naissait quelque faible et courte réflexion sur l'instabilité des choses de ce
monde, dont la surface des eaux m'offrait l'image; mais bientôt ces
impressions légères s'effaçaient dans l'uniformité du mouvement continu
qui me berçait et qui, sans aucun concours actif de mon âme, ne laissait pas
de2 m'attacher au point qu'appelé par l'heure et par le signal convenu je ne
pouvais m'arracher de là sans efforts*.

Rêveries d'un Promeneur solitaire (publiées en 1782).
Примечания:

1. Бьеннское озеро, посреди которого находится остров Сен-Пьер. Руссо был там в
сентябре и октябре 1765 г. 2. Ne manquait pas de...

Вопросы:

* Montrez, dans la première partie de ce texte, le caractère conventionnel des
qualificatifs: une seule éptthète apporte une nuance plus précise. Dans la seconde partie,
essayez de marquer le rythme si expressif des phrases: quelle place y tient à cet égard
l'accumulation des
imparfaits?

STENDHAL (1783-1842)

Celui-là n'a pas l'ampleur, ni les couleurs, ni les timbres des grands roman-
tiques, ses contemporains. Sa prose, qu'il s'applique à maintenir essentielle-
ment précise et juste, préférant la sécheresse au pittoresque, traduit avec une
impitoyable exactitude les pensées et les sentiments les plus fugitifs. Elle a une
transparence étonnante, une intelligence sans défaut.

UNE SOIRÉE A LA CAMPAGNE

Julien Sorel est précepteur des enfants de Mme de Rénal. Un soir que la famille est
rassemblée sous un tilleul, Julien, en parlant d'une façon démonstrative, heurte par
mégarde la main de Mme de Rénal appuyée sur le dossier d'une chaise.

Cette main se retira bien vite; mais Julien pensa qu'il était de son devoir
d'obtenir que l'on ne retirât pas cette main quand il la touchait. L'idée d'un
devoir à accomplir, et d'un ridicule, ou plutôt d'un sentiment d'infériorité à

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à encourir si l'on n'y parvenait pas, éloigna sur-le-champ tout plaisir de son
cœur.

Ses regards, le lendemain, quand il revit Mme de Rénal, étaient
singuliers; il l'observait comme un ennemi avec lequel il va falloir se
battre. Ces regards, si différents de ceux de la veille, firent perdre la têteà
Mme de Rénal; elle avait été bonne pour lui, et il paraissait fâché. Elle ne
pouvait détacher ses regards des siens.

La présence de Mme Derville1 permettait à Julien de moins parler et de
s'occuper davantage de ce qu'il avait dans la tête. Son unique affaire, toute
cette journée, fut de se fortifier par la lecture du livre inspiré qui retrempait
son âme . Il abrégea beaucoup les leçons des enfants, et ensuite, quand la
présence de Mme de Rénal vint le rappeler tout à fait aux soins de sa
gloire, il décida qu'il fallait absolument qu'elle permît ce soir-là que sa
rnain restât dans la sienne. Le soleil en baissant, et rapprochant le moment
décisif, fit battre le cœur de Julien d'une façon singulière. La nuit vint. Il
observa, avec une joie qui lui ôta un poids immense de dessus la poitrine,
qu'elle serait fort obscure. Le ciel, chargé de gros nuages, promenés par un
vent très chaud, semblait annoncer une tempête.

Les deux amies se promenèrent fort tard. Tout ce qu'elles faisaient ce
soir-là semblait singulier à Julien. Elles jouissaient de ce temps, qui, pour
certaines âmes délicates, semble augmenter le plaisir d'aimer.

On s'assit enfin, Mme de Rénal à côté de Julien, et Mme Derville près
de son amie. Préoccupé de ce qu'il allait tenter, Julien ne trouvait rien
à dire. La conversation languissait.

«Serai-je aussi tremblant et malheureux au premier duel qui me
viendra?» se dit Julien; car il avait trop de méfiance et de lui et des autres
pour ne pas voir l'état de son âme.

Dans sa mortelle angoisse, tous les dangers lui eussent semblé préfér-
ables. Que de fois ne désira-t-il pas voir survenir à Mme de Rénal quelque
affaire qui l'obligeât de rentrer à la maison et de quitter le jardin! La
violence que Julien était obligé de se faire était trop forte pour que sa voix
ne fût pas profondément altérée; bientôt la voix de Mme de Rénal devint
tremblante aussi, mais Julien ne s'en aperçut point. L'affreux combat que le
devoir livrait à la timidité était trop pénible pour qu'il fût en état de rien
observer hors lui-même. Neuf heures trois quarts venaient de sonner
à l'horloge du château, sans qu'il eût encore rien osé. Julien, indigné de sa
lâcheté, se dit: «Au moment précis où dix heures sonneront, j'exécuterai ce
que, pendant toute la journée, je me suis promis de faire ce soir, ou je
monterai chez moi me brûler la cervelle».

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Après un dernier moment d'attente et d'anxiété, pendant lequel l'excès
de l'émotion mettait Julien comme hors de lui, dix heures sonnèrent à
l'horloge qui était au-dessus de sa tête. Chaque coup de cette cloche fatale
retentissait dans sa poitrine et y causait comme un mouvement physique.

Enfin, comme le dernier coup de dix heures retentissait encore, il
étendit la main, et prit celle de Mme de Rénal, qui la retira aussitôt. Julien,
sans trop savoir ce qu'il faisait, la saisit de nouveau. Quoique bien ému lui-
même, il fut frappé de la froideur glaciale de la main qu'il prenait; il la
serrait avec une force convulsive; on fit un dernier effort pour la lui ôter,
mais enfin cette main lui resta.

Son âme fut inondée de bonheur, non qu'il aimât Mme de Rénal, mais
un affreux supplice venait de cesser. Pour que Mme Derville ne s'aperçût
de rien, il se crut obligé de parler; sa voix alors était éclatante et forte.
Celle de Mme de Rénal, au contraire, trahissait tant d'émotion que son
amie la crut malade et lui proposa de rentrer. Julien sentit le danger: «Si
Mme de Rénal rentre au salon, je vais retomber dans la position affreuse où
j'ai passé la journée. J'ai tenu cette main trop peu de temps pour que cela
compte comme un avantage qui m'est acquis.»

Au moment où Mme Derville renouvelait la proposition de rentrer au
salon, Julien serra fortement la main qu'on lui abandonnait.

Mme de Rénal, qui se levait déjà, se rassit, en disant, d'une voix
mourante: «Je me sens, à la vérité, un peu malade, mais le grand air me fait
du bien.» Ces mots confirmèrent le bonheur de Julien, qui, dans ce
moment, était extrême: il parla, il oublia de feindre, il parut l'homme le
plus aimable aux deux amies qui l'écoutaient. Cependant il y avait encore
un peu de manque de courage dans cette éloquence qui lui arrivait tout à
coup. Il craignait mortellement que Mme Derville, fatiguée du vent qui
commençait à s'élever, et qui précédait la tempête, ne voulût rentrer seule
au salon. Alors il serait resté en tête-à-tête avec Mme de Rénal. Il avait eu
presque par hasard le courage aveugle qui suffit pour agir; mais il sentait
qu'il était hors de sa puissance de dire le mot le plus simple à Mme de
Rénal. Quelque légers que fussent ses reproches, il allait être battu, et
l'avantage qu'il venait d'obtenir anéanti*.

Heureusement pour lui, ce soir-là, ses discours touchants et
emphatiques3 trouvèrent grâce devant Mme Derville, qui très souvent le
trouvait gauche comme un enfant, et peu amusant. Pour Mme de Rénal, la
main dans celle de Julien, elle ne pensait à rien; elle se laissait vivre. Les
heures qu'on passa sous ce grand tilleul, que la tradition du pays dit planté
par Charles le Téméraire4, furent pour elle une époque de bonheur. Elle

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écoutait avec délices les gémissements du vent dans l'épais feuillage du
tilleul, et le bruit de quelques gouttes rares qui commençaient à tomber sur
ses feuilles les plus basses.

Julien ne remarqua pas une circonstance qui l'eût bien rassuré: Mme de
Rénal, qui avait été obligée de lui ôter sa main, parce qu'elle se leva pour
aider sa cousine à relever un vase de fleurs que le vent venait de renverser
à leurs pieds, fut à peine assise de nouveau qu'elle lui rendit sa main
presque sans difficulté, et comme si déjà c'eût été entre eux une chose
convenue.

Minuit était sonné depuis longtemps, il fallut enfin quitter le jardin: on
se sépara. Mme de Rénal, transportée du bonheur d'aimer, était tellement
ignorante qu'elle ne se faisait presque aucun reproche. Le bonheur lui ôtait
le sommeil. Un sommeil de plomb s'empara de Julien, mortellement fatigué
des combats que toute la journée la timidité et l'orgueil s'étaient livrés dans
son cœur**.

Le Rouge et le Noir, I, IX (1830).
Примечания:

1. Родственница и подруга г-жи де Реналь. 2. Жюльен, пылкий поклонник Наполе-
она, читал ''Мемориал Святой Елены", дневник, который вел граф де Лас Казе, сопут-
ствовавший Наполеону в его изгнании. 3. Выспренние, высокопарные. 4. Карл Сме-
лый (1433 - 1477) — последний герцог Бургундии, непримиримый враг французского
короля Людовика XI.

Вопросы:

* On étudiera le conflit de la volonté et de la timidité chez Julien.

** Zola a regretté que le cadre de cette scène n'ait pas été évoqué avec plus
d'exactitude. Qu'en pensez-vous ?

GUSTAVE FLAUBERT (1821 1880)

Véritable forçat des lettres, capable de recommencer la même 'page quinze
ou vingt fois et n'y mettant le point final qu'au moment où il en était pleinement
satisfait, FLAUBERT offre l'image de l'écrivain consciencieux jusqu'à la torture.
De là ses «affres», ses découragements, cette angoisse si souvent ressentie de
ne jamais atteindre le terme de l'œuvre entreprise. De là aussi, parfois, une
certaine monotonie dans le style, trop tendu à force de viser à la perfection.

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Mais l'œuvre de Flaubert abonde également en pages d'une belle coulée
classique, où la réussite masque l'effort.

VICTOR, LE NEVEU DE FÉLICITÉ1

Il arrivait le dimanche après la messe, les joues rosés, la poitrine nue, et
sentant l'odeur de la campagne qu'il avait traversée. Tout de suite, elle
dressait son couvert. Ils déjeunaient l'un en face de l'autre; et, mangeant
elle-même le moins possible pour épargner la dépense, elle le bourrait
tellement de nourriture qu'il finissait par s'endormir. Au premier coup des
vêpres, elle le réveillait, brossait son pantalon, nouait sa cravate, et se
rendait à l'église, appuyée sur son bras dans un orgueil maternel.

Ses parents le chargeaient toujours d'en2 tirer quelque chose, soit un
paquet de cassonade4, du savon, de l'eau-de-vie, parfois même de l'argent.
Il apportait ses nippes5 à raccommoder et elle acceptait cette besogne,
heureuse d'une occasion qui le forçait à revenir.

Au mois d'août, son père l'emmena au cabotage6.

C'était l'époque des vacances. L'arrivée des enfants7 la consola. Mais
Paul devenait capricieux, et Virginie n'avait plus l'âge d'être tutoyée, ce qui
mettait une gêne, une barrière entre elles.

Victor alla successivement à Morlaix. à Dunkerque et à Brighton; au
retour de chaque voyage, il lui offrait un cadeau. La première fois, ce fut
une boîte en coquilles, la seconde, une tasse à café; la troisième, un grand
bonhomme en pain d'epice. Il embellisait, avait la taille bien prise, un peu
moustache, de bons yeax francs, et un petit chapeau de cuir, placé en
arrière comme un pilote. Il l'amusait en lui racontant des histoires mêlées
de termes marins.

Un lundi, 14 juillet 1810 (elle n'oublia pas la date), Victor annonça qu'il
était engagé au long cours8 et, dans la nuit du surlendemain, par le
paquebot de Honfleur9, irait rejoindre sa goélette10, qui devait démarrer11
du Havre prochainement. Il serait, peut-être, deux ans parti.

La perspective d'une telle absence désola Félicité; et pour lui dire
encore adieu, le mercredi soir, après le dîner de Madame, elle chaussa des
galoches12, et avala les quatre lieues qui séparaient Pont-1'Evêque de
Honfleur.

Quand elle fut devant le Calvaire, au lieu de prendre à gauche, elle prit
à droite, se perdit dans des chantiers, revint sur ses pas; desgens qu'elle
accosta14 l'engagèrent à se hâter. Elle fit le tour du bassin rempli des
navires, se heurtait contre des amarres15; puis le terrain s'abaissa, des

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lumières s'entrecroisèrent, et elle se crut folle, en apercevant des chevaux
dans le ciel.

Au bord du quai, d'autres hennissaient, effrayés par la mer. Un palan16
qui les enlevait les descendait dans un bateau, où des voyageurs se
bousculaient entre les barriques de cidre, les paniers de fromage, les sacs
de grain; on entendait chanter des poules, le capitaine jurait; et un mousse
restait accoudé sur le bossoir17, indifférent à tout cela. Félicité, qui ne
l'avait pas reconnu, criait: «Victor!»; il leva la tête; elle s'élançait, quand on
retira l'échelle tout à coup*.

Un Cœur simple (1877).
Примечания:

1. Имя служанки, чью жизнь Флобер описал в "Простом сердце" 2. У нее. т.е. у
Фелисите. 3. Soit = c'est-à-dire. 4. Плохо очищенный сахар коричневатого цвета. 5. По-
ношенная одежда, тряпье. 6. Торговые морские рейсы между портами, находящимися
на одном побережье. 7. Дети госпожи Обен, хозяйки Фелисите. 8. В дальнее плавание.
9. Порт в устье Сены. 10. Шхуну. Название происходит, повидимому, от goéland
чайка. И. Отчалить, т.е. отправиться в плавание. 12. Грубые башмаки, изготовленные
из дерева, либо с деревянной подошвой. 13. В субпрефектуре Кальвадос в Нормандии.
14. Подошла, обратилась. 15. Швартовы — канаты, которыми судно удерживается >
причальной стенки. 16. Полиспаст, грузоподъемное устройство. 17. Крамбол — балка,
на которой подвешивается якорь.