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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 77 из 81)

Le charme de l'expression sonore, la beauté d'un orchestre où le génie
des timbres fait régner une incomparable unité, la perfection de la phrase
vocale, tout concourt à masquer la puissance. L'œuvre paraît simple et
facile à force d'art. Parce qu'elle est sans clameur et sans cri, parce qu'elle
ne fait jamais de bruit, on pourrait la croire sans baleine. Enfin elle semble
se jouer dans la demi-teinte, parce qu'elle possède la maîtrise des valeurs et
du clair-obscur. Rien n'est si faux. Il est nécessaire, au théâtre ou dans la
chambre' sur le clavier ou à l'orchestre, d'exprimer avec un soin jaloux
toutes les nuances de cette musique: on s'étonne alors de tout ce qu'elle
recèle: on perçoit, à la juste échelle de l'ensemble, la puissance des éclats,
du tragique et de la passion, comme on sent déjà le charme extrême de la
tendresse et les séductions de la mélancolie. Le dédain de Debussy pour
l'effet est sans parallèle2. Pour moi, eût-il commis des crimes, Debussy est
par là d'une sainte vertu: depuis la Renaissance, il n'y a que Bach pour la
partager avec lui3. Il finit presque toutes les scènes et tous les actes de son
drame dans une sorte de silence inimitable, qui est précisément la

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palpitation profonde de l'émotion: elle prend fin, à la lettre, comme on
meurt, comme on s'évanouit, soit de douleur, soit de plaisir. Près de ce
soupir, tout cri est faible. Toute explosion manque de force et d'écho près
de ce frémissement. Et on ne comprend rien à Debussy, tant qu'on ne l'a
pas saisi dans cet ébranlement secret de l'ardeur la plus intime**.

ANDRÉ SUARÈS. Debussy (1922).

Примечания:

1. Имеется в виду камерная музыка. 2. Единственным в своем роде. 3. «Et, pour être
juste, assez souvent Moussorgski.» (Note de l'auteur.)

\

Вопросы:

* «Un grand poème se suffit, la musique le gâte.» Êtes-vous de cet avis? Connaissez-
vous dt grands poètes qui ont accepté ou même souhaité de voir ta musique ilhistier leurs
csuwes)

** L'auteur n'a-t-il pas cherché un style souvent proche de celui du musicien?

LE GROUPE DES SIX

de même que l'auteur de Pelléas et Mélisande avait moins réagi contre
Wagner que contre le wagnérisme, les musiciens de la génération suivante
furent moins les adversaires de Debussy que du debussysme. Aussi fut-ce
surtout far une réaction bien naturelle et -pour souligner leur indépendance
que les plus marquants d'entre eux furent amenés à se réunir pour former ce
qu'on a appelé depuis «le Groupe des Six».

ENTRETIEN AVEC FRANCIS POULENC (né en 1899)

On trouvera ici un extrait des Entretiens qu'en 1952 le critique musical Claude Rostand
eut, à la Radio, avec le compositeur Francis Poulenc.

CLAUDE ROSTAND. — Comment avez-vous connu vos camarades du
Groupe des Six?

FRANCIS POULENC. — Avec une rare logique, j'ai connu d'abord celui
qui est devenu depuis mon frère spirituel: j'ai nommé Georges Auric. Nous
avons exactement le même âge, je suis son aîné d'à peine un mois, mais,
intellectuellement, je me suis toujours senti son cadet.

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La précocité d'Auric était telle, dans tous les domaines, qu'à quatorze
ans on le jouait à la Société Nationale de Musique. A quinze, il discutait
sociologie avec Léon Bloy, théologie avec Maritain, et à dix-sept ans,
Apollinaire lui lisait les Mamelles de Tirésias1en lui demandant son avis.

Vinès", avec son intelligence d'insecte, comprit tout de suite que nous
étions faits l'un pour l'autre, et il y avait tout juste deux mois que je prenais
mes leçons de piano avec lui, qu'il me présenta à Georges Aude. Ceci se
passait en 1916, si j'ai bonne mémoire.

Auric habitait alors à Montmartre, derrière le Sacré-Cœur, rue Lamarck.

Je revois avec émotion les moindres détails de sa chambre. Sur un
piano, rarement accordé, au toucher capricieux, une montagne de musique
s'accumulait, qui témoignait d'un parfait éclectisme, allant des
polyphonistes du XVIesiècle aux opérettes de Messager, en passant par le
Pierrot lunaire d'Arnold Schônberg et l'Allégro Barbara de Bartok...

Tout dans la vie a contribué à nous faire vivre parallèlement, Auric et
moi: nous avons créé les Noces de Strawinsky ensemble. Nous avons fait
partie tous deux de l'équipe de Diaghiiew3, nous nous sommes partagé
l'affection d'un Paul Eluard, et que sais-je encore!..

CLAUDE ROSTAND. — En effet, ce que vous dites est très frappant. Du
moins, j'ai toujours été frappé, en assistant à une conversation entre Auric
et vous, par cette sorte de complicité secrète qui existe entre vous deux, et
dans laquelle il semble impossible de s'introduire... Mais après Auric?..

FRANCIS POULENC. — Le second des Su; que j'ai connu, c'est Arthur
Honegger, en 1917, chez Jeanne Bathori...

Chère grande Jeanne Bathori, que n'a-t-elle pas fait pour la musique
moderne! Première interprète de Debussy, Ravel, Fauré, Roussel, Satie,
Milhaud, et de tant d'autres, elle réunissait dans son atelier du boulevard
Pereire les jeunes musiciens désireux de se rencontrer ou de se connaître.

André Caplet4, récemment revenu du front, dirigeait parfois, chez elle,
une étrange chorale où l'on voyait, parmi les basses, mes deux maîtres,
Ricardo Vinès et Charles Kœchlin5, et, dans je ne sais plus quel emploi:
Honegger et moi-même. Il s'agissait de chanter les Trois Chansons
a capella6 de Ravel, encore inédites.

Le résultat n'était pas. brillant, mais la bonne volonté y était.

Les premières fois, Honegger m'intimida malgré ce bon sourire
d'accueil si jovial qu'il a toujours gardé, mais je ne tardai pas à me
familiariser avec lui et tout alla au mieux lorsque je le vis dans Le Jeu de
Rotin et de Marion,
monté par Bathori au Vieux-Colombier7, déguisé en
tambourinaire par son ami le peintre Ochsé. Une douée jeune fille au

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visage préraphaélique l'accompagnait toujours. Cette douce jeune fille, si
modestement savante, est devenue, depuis lors, son épouse. J'ai toujours
conservé pour elle une tendre affection...

CLAUDE ROSTAND. — Et ensuite?

FRANCIS POULENC. — A la même époque, j'ai connu Germaine
Tailleferre et Louis Durey. Qu'elle était ravissante en 7977 notre Germaine,
avec son cartable d'écolière plein de tous les premiers prix du
Conservatoire8! Qu'elle était gentille et douée! Elle l'est toujours, mais je
regrette un peu que, par excès de modestie, elle n'ait pas sorti d'elle-même
tout ce qu'une Marie Laurencin9 par exemple a su tirer de son génie
féminin...

Louis Durey, le loyal Durey, qui, par je ne sais quel scrupule, se sépara
de nous au moment où Les Mariés de la Tour Eiffel 'Consacraient, d'une
façon éphémère, notre groupe arbitraire, Louis Durey, le silencieux Durey,
est l'image même de la modestie et de la noblesse. Je lui dédiai mes
premières mélodies. Le Bestiaire ", que j'avais composé, sans le savoir, en
même temps que le sien. J'aimerais qu'on voie, dans ce sensible hommage,
la tendre estime dans laquelle je l'ai toujours tenu.

CLAUDE ROSTAND. — Et Milhaud, notre Darius, qu'attendez-vous pour
en parler?

FRANCIS POULENC. — Soyez patient: j'ai adopté l'ordre chronologique,
et n'oubliez pas qu'au début, Milhaud ne faisait que virtuellement partie de
notre groupe puisque, en 1917, il était encore au Brésil avec Paul Claudel...

Lorsqu'il en revint, j'eus littéralement le coup de foudre, ce qui est aussi
valable en amitié qu'en amour. Qu'il était séduisant, ce robuste
Méditerranéen, appuyé sur une fine canne de rhinocéros, habillé de gris
clair, avec des cravates fraise et citron! Qu'il était amusant avec ses
histoires des tropiques, et que c'était délicieux de l'entendre jouer, avec ce
toucher adorablement négligent, ses albums de voyage: Saudades do Brazil
ou Le Bœuf sur le Toit!..

Avec les années, j'admire de plus en plus l'œuvre de Milhaud. Qu'il est
loin le temps où j'écrivais à Sauguet une lettre injuste et sotte sur La
Création du Monde, lettre que le cher Darius eut l'indiscrétion de lire, un
jour où elle tramait sur la table de Sauguet1!

En réentendant, l'hiver passé. La Création, j'en admirais, au contraire, la
beauté sans rides, sans tics d'époque.

CLAUDE ROSTAND. — Maintenant que vous avez nommé les «Six»,
parlez-nous donc du Groupe des Six.

FRANCIS POULENC. — Six musiciens ayant été plusieurs fois réunis, par

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la grâce de Jeanne Bathori au Vieux-Colombier et de Félix Delgrange
à Lyre et Palette, Henri Collet, critique de Comœdia", nous baptisa les six
Français, à l'instar des cinq Russes fameux14. Le slogan était facile mais, la
jeunesse étant friande de publicité, nous acceptâmes une étiquette qui, au
fond, ne signifiait pas grand-chose. La diversité de nos musiques, de nos
goûts et dégoûts, démentait une esthétique commune. Quoi de plus opposé
que les musiques d'Honegger et d'Auric? Milhaud admirait Magnard'15 moi
pas; nous n'aimions ni l'un ni l'autre Florent Schmitt16 qu'Honeggei
respectait; Arthur, par contre, méprisait, au fond de lui-même, Satie17,
qu'Auric, Milhaud et moi adorions... On voit du coup que le Groupe des
Six n'était pas un groupe esthétique, mais une simple association amicale*.

FRANCIS POULENC. Entretiens avec Claude Rostand (1952).

Примечания:

1. Положенные на музыку Эриком Сати. 2. Рикардо Виньес, знаменитый испан-
ский пианист, большой друг Дебюсси. 3. Сергея Дягилева, прославленного руководи-
теля русского балета. 4. Автор, в частности, "Зеркала Иисуса". 5. Композитор и теоре-
• тик музыки. 6. То есть без музыкального сопровождения. 7. Театр в Париже, основан
в 1913 г. Жаком Копо. 8. Высшая школа музыки и декламации. 9. Знаменитая худож-
ница (1885 -1956). 10. Текст Жана Кокто. 11. На стихи Аполлинера. 12. Анри Соге.
один из самых популярных композиторов той эпохи. 13. Газета, посвященная искус-
ству. 14. Римский-Корсаков, Мусоргский, Балакирев, Бородин и Цезарь Кюи
15. Автора "Геркёра". 16. Автора "Трагедии о Саломее" 17. Эрика Сати, автора, в
частности, "Парада", "реалистического балета" на сюжет Жана Кокто.

Вопросы:

* Qu'est-ce qui fait ^intérêt principal de ce texte?

UN CINÉASTE FRANÇAIS; RENÉ CLAIR

(né en 1898) ...

... On peut même dire: très ou trop français...

Lorsqu'on pense à lui, un adjectif surgit: impeccable. Impeccables les
pointes dures du faux col, la raie qui sépare ses cheveux châtains
soigneusement lissés, sa courtoisie, l'ordre qui règne sur son bureau, la
forme des vingt-trois films qui constituent son œuvre. Il écrit le cinéma

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comme La Fontaine écrit le français, en phrases impitoyables, claires,
drôles et... impeccables.

Il fait aussi penser à ces plaques de verre dont on recouvre les bureaux.
On pose la main et on sursaute: c'est glacé. On renverse de l'encre: elle
glisse. On laisse tomber son stylo: il s'épointe1 On veut soulever ce verre
transparent: il est trop lourd.

René Clair est inhumain et gai comme un poisson rouge qui vous ferait
de temps en temps un clin d'œil du fond de son aquarium pour vous dire:

«Et si j'étais un léopard qui s'est fait la tête d'un poisson rouge pour
vous mystifier?»

Tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait, procède d'une intelligence féroce
toujours en alerte, d'une habileté où il a atteint l'art suprême: celui de la
camoufler.

Il est l'unique «cinécrivain» français qui ait fait œuvre humoristique.
Ses personnages se débattent dans des situations tragi-comiques où
interviennent toujours leur esprit, parfois leur cœur, jamais le reste.

René Clair est le seul auteur qui, s'inspirant de la vieille légende de
Faust pour réaliser La Beauté du Diable, a pratiquement supprimé
Marguerite.

«Voyons, disait-il un jour à Clouzot2 pendant qu'il préparait le film,
Faust est un homme intelligent, mûr... C'est un savant, un cerveau remarqu-
able... Et vous vous figurez qu'il vendrait son âme au diable pour l'amour
d'une femme?» Allez, allez, Marguerite, rejoindre, dans l'ombre discrète où
toujours il les confina, les héroïnes gracieuses et vides de René Clair,
l'homme qui domine toutes les contingences" y compris celle autour de
laquelle on fait curieusement tant de bruit s les femmes (...).

Jeune premier exécrable, moustachu et affamé, roulant ses «grandes
mirettes4» pour trois mille francs par mois, au coin de.s écrans muets de
1922, en ces temps héroïques qu'il a retracés dans Le Silence est d'or, il
devient un jour assistant de Jacques de Baroncelli5.

«Tiens, tiens, se dit-il, de ce côté-ci de la caméra6 c'est beaucoup plus
amusant.»

D'amusé il devient possédé, et, pour tourner son premier petit film, il
choisit la vedette qu'il connaissait le mieux, celle dont il a si tendrement et
si souvent éclairé le visage: Paris.

«Tu es né à Belleville? Banlieusard!., dit-il à Maurice Chevalier, parce
que lui, il est né aux Halles.»

Paris qui dort... quelques centaines de mètres de pellicule tournés au
temps merveilleux où le cinéma, métier d'artisan illuminé, se nourrissait de