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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 58 из 81)

Вопросы:

* Expliquez les images contenues dans cette phrase.

** L'un des ouvrages de Jean Giono s'intitule lie Poids du Ciel. Cette page n'offve-t-elle
pas, elle aussi, un exemple de poésie véritablement cosmique?

MARCEL AYMÉ (1902-1967)

marcel AYMÉ est un conteur-né. Chez lui, le passage du réel au mer-veilleux
s'opère spontanément. Mais son esprit malicieux se plaît surtout à imaginer

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quels bouleversements le fantastique introduirait dans notre vie quotidienne si
d'un instant à l'autre, il y devenait réalité.

LE PASSE-MURAILLE

Un modeste fonctionnaire de 43 ans, Dutilleul, s'est brusquement découvert le don de
passer à travers les murailles. Il en profite d'abord four mystifier un sous-chef de bureau
qui l'avait humilié. Puis, mis en goût par ce premier succès,il s'enhardit et se fait
cambrioleur.

Le premier cambriolage auquel se livra Dutilleul eut lieu dans un grand
établissement de crédit de la rive droite. Ayant traversé une douzaine de
murs et de cloisons, il pénétra dans divers coffres-forts, emplit ses poches
de billets de banque et, avant de se retirer, signa son larcin à la craie rouge,
du pseudonyme1 de Garou-Garou, avec un fort joli paraphe2 qui fut
reproduit le lendemain par tous les journaux. Au bout d'une semaine, ce
nom de' Garou-Garou connut une extraordinaire célébrité. La sympathie du
public allait sans réserve à ce prestigieux cambrioleur qui narguait si
joliment la police. Il se signalait chaque nuit par un nouvel exploit
accompli soit au détriment d'une banque, soit à celui d'une bijouterie ou
d'un riche particulier. A Paris comme en province, il n'y avait point de
femme un peu rêveuse qui n'eût le fervent désir d'appartenir corps et âme
au terrible Garou-Garou. Après le vol du fameux diamant de Burdigala et
le cambriolage du Crédit municipal, qui eurent lieu la même semaine,
l'enthousiasme de la foule atteignit au délire. Le ministre de l'Intérieur dut
démissionner, entraînant dans sa chute le ministre de l'Enregistrement'.
Cependant, Dutilleul, devenu l'un des hommes les plus riches de Paris, était
toujours ponctuel à son bureau et on parlait de lui pour les palmes
académiques4. Le matin, au ministère de l'Enregistrement, son plaisir était
d'écouter les commentaires que faisaient les collègues sur ses exploits de la
veille. «Ce Garou-Garou, disaient-ils, est un homme formidable, un
surhomme, un génie.» En entendant de tels éloges, Dutilleul devenait rouge
de confusion et, derrière le lorgnon à chaînette, son regard brillait d'amitié
et de gratitude. Un jour, cette atmosphère de sympathie le mit tellement en
confiance qu'il ne crut pas pouvoir garder le secret plus longtemps. Avec
un reste de timidité, il considéra ses collègues groupés autour d'un journal
relatant le cambriolage de la Banque de France, et déclara d'une voix
modeste: «Vous savez, Garou-Garou, c'est moi.» Un rire énorme et
interminable accueillit la confidence de Dutilleul.qui reçut, par dérision, le
surnom de Garou-Garou. Le soir, à l'heure de quitter le ministère, il était
l'objet de plaisanteries sans fin de la part de ses camarades et la vie lui
semblait moins belle*.

Quelques jours plus tard, Garou-Garou se faisait pincer5 par une ronde
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de nuit dans une bijouterie de la rue de la Paix. Il avait apposé sa signature
sur le comptoir-caisse et s'était mis à chanter une chanson à boire en
fracassant différentes vitrines à l'aide d'un hanap6 en or massif. Il lui eût été
facile de s'enfoncer dans un mur et d'échapper ainsi à la ronde de nuit7,
mais tout porte à croire qu'il voulait être arrêté, et probablement à seule fin
de confondre ses collègues dont l'incrédulité l'avait mortifié. Ceux-ci, en
effet, furent bien surpris, lorsque les journaux du lendemain publièrent en
première page la photographie de Dutilleul. Ils regrettèrent amèrement
d'avoir méconnu leur génial camarade et lui rendirent hommage en se
laissant pousser une petite barbiche8. Certains même, entraînés par le
remords et l'admiration, tentèrent de se faire la main sur le portefeuille ou
la montre de famille de leurs amis et connaissances**.

On jugera sans doute que le fait de se laisser prendre par la police pour
étonner quelques collègues témoigne d'une grande légèreté, indigne d'un
homme exceptionnel, mais le ressort apparent de la volonté est fort peu de
chose dans une telle détermination. En renonçant à la liberté, Dutilleul
croyait céder à un orgueilleux désir de revanche, alors qu'en réalité il
glissait simplement sur la pente de sa destinée. Pour un homme qui passe à
travers les murs, il n'y a point de carrière un peu poussée s'il n'a tâté au
moins une fois de la prison. Lorsque Dutilleul pénétra dans les locaux de la
Santé9, il eut l'impression d'être gâté par le sort. L'épaisseur des murs était
pour lui un véritable régal. Le lendemain même de son incarcération, les
gardiens découvrirent avec stupeur que le prisonnier avait planté un clou
dans le mur de sa cellule et qu'il y avait accroché une montre en oj
appartenant au directeur de la prison. Il ne put ou ne voulut révéler
comment cet objet était entré en sa possession. La montre fut rendue à son
propriétaire et, le lendemain, retrouvée au chevet de Garou-Garou avec le
tome premier des Trois Mousquetaires10emprunté à la bibliothèque du
directeur. Le personnel de la Santé était sur. les dents". Les gardiens se
plaignaient en outre de recevoir des coups de pied dans le derrière, dont la
provenance était inexplicable. Il semblait que les murs eussent, non plus
des oreilles, mais des pieds. La détention de Garou-Garou durait depuis
une semaine, lorsque le directeur de la Santé, en pénétrant un matin dans
son bureau, trouva sur sa table la lettre suivante:

«Monsieur le directeur. Me reportant à notre entretien du 17 courant et,
pour mémoire12 à vos instructions générales du 15 mai de l'année dernière,
j'ai l'honneur de vous informer que je viens d'achever la lecture du second
tome des Trois Mousquetaires et que je compte m'évader cette nuit entre
onze heures vingt-cinq et onze heures trente-cinq. Je vous prie, monsieur le
directeur, d'agréer l'expression de mon profond respect. GAROU-GAROU.»

Malgré l'étroite surveillance dont il fut l'objet cette nuit-là, Dutilleul
s'évada à onze heures trente. Connue du public le lendemain matin, la

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nouvelle souleva partout un enthousiasme magnifique. Cependant, ayant
effectué un nouveau cambriolage qui rnit le comble à sa popularité.
Dutilleul semblait peu soucieux de se cacher et circulait à travers
Montmartre sans aucune précaution. Trois jours après son évasion, il fui
arrêté rue Caulaincourt au café du Rêve, un peu avant midi, alors qu'il
buvait un vin blanc citron avec des amis.

Reconduit à la Santé et enfermé au triple verrou dans un cachot
ombreux, Garou-Garou s'en échappa le soir même et alla coucher
à l'appartement du directeur, dans la chambre d'ami. Le lendemain matin,
vers neuf heures, il sonnait la bonne pour avoir son petit déjeuner et se
laissait cueillir au lit, sans résistance, par les gardiens alertés. Outré, le
directeur établit un poste de garde à la porte de son cachot et le rnit au pain
sec. Vers midi, le prisonnier s'en fut déjeuner dans un restaurant voisin de
la prison et, après avoir bu son café, téléphona au directeur.

«Allô! Monsieur le directeur, je suis confus, mais tout à l'heure, au
moment de sortir, j'ai oublié de prendre votre poitefeuille, de sorte que je
me trouve en panne13 au restaurant. Voulez-vous avoir la bonté d'envoyer
quelqu'un pour régler l'addition***?»

Le Passe-Muraille (1943)
Примечания:

I. Псевдоним, обозначающий "оборотень". 2. Росчерк, которым заканчивается
подпись. 3. Вымышленное министерство, в котором в скромной должности служил
герой рассказа. 4"Академические пальмы", почетная награда зазаслуги в области
литературы и искусства. Во Франции эта награда зачастую воспринимается весьма
насмешливо. 5. Схватить, сцапать. 6 Старинный кубок. 7. Ночной полицейский об-
ход. 8. Герой рассказа носит бородку 9 Знаменитая парижская тюрьма Came. 9 Ро-
ман Александра Дюма. 10. Валился с ног от усталости. 11. Бухгалтерский термин,
означающий, что такая-то статья включена в счетный документ только для справки.
Здесь, имея в виду. 12 Морской термин, означающий "лежать в дрейфе". Означаем
также "потерпеть аварию" (автомобильную, авиа) или "сидеть на мели" (без денег).

Вопросы:

* Eludiez le caractère de Dutilleul, tel qu'il se manifeste dans cette, page.

** N'v a-t-il pas dans cette phrase (et aussi dans les deux ou trois suivantes) une -pointe
de malice voire de satire?

*** Est-ce par hasard que les personnages tournés en dérision par Dutilleul
appartiennent soit à l'administration, soit à la police?

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ALBERT CAMUS (1913-1960)

L'ŒUVRE D'ALBERT CAMUS est encore peu volumineuse. Mais elle est fort
diverse, et surtout elle -possède une rare densité. Plus que par son contenu,
peut-être, elle semble valoir par son accent, par sa tension, par la vertu d'un
style poétique et pourtant d'une infaillible netteté.

UN MEURTRE

Meursault, le narrateur, est allé passer la journée sur une plage en compagnie de
Raymond. Celui-ci a eu une altercation avec un Arabe, qui l'a blessé d'un coup de couteau.
Avant de repartir, il a confié son revolver à Meursault, lequel, épuisé par la chaleur, se met
à la recherche d'un endroit ombragé.

Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d'un halo
aveuglant par la lumière et la poussière de mer. Je pensais à la source
fraîche derrière le rocher. J'avais envie de retrouver le murmure de son eau,
envie de fuir le soleil, l'effort et les pleurs de femme, envie enfin de
retrouver l'ombre et son repos. Mais quand j'ai été plus près, j'ai vu que le
type de Raymond1 était revenu.

Il était seul. Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans
les ombres du rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe" fumait
dans la chaleur. J'ai été un peu surpris. Pour moi, c'était une histoire finie et
j'étais venu là sans y penser.

Des qu'il m'a vu, il s'est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche.
Moi, naturellement, j'ai serré le revolver de Raymond dans mon veston.
Alors de nouveau, il s'est laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de
sa poche. J'étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son
regard par instants, entre ses paupières mi-closes. Mais le plus souvent, son
image dansait devant mes yeux dans l'air enflammé. Le brait des vagues
était encore plus paresseux, plus étale' qu'à midi. C'était le même soleil, la
même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux
heures que la journée n'avançait plus, deux heures qu'elle avait jeté l'ancré
dans un océan de métal bouillant. A l'horizon, un petit vapeur est passé et
j'en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je n'avais pas
cessé de regarder l'Arabe.

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais
toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques
pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez
loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai

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attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de
sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même soleil que le jour où
j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et
toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure
que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais
que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me
déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois,
sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil.
La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante
qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes
sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile
tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de
sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinc-
tement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette
épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est
alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a
semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du
feu*. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La
gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le
bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la
sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le
silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré
quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.
Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du mal-
heur**.