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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 18 из 81)

Tartarin de Tarascon a été pressenti pour aller tenir un comptoir commercial
à Shanghai. Après avoir hésité, le brave méridional est resté dans sa ville natale.

En fin de compte, Tartarin ne partit pas, mais toutefois cette histoire lui
fit beaucoup d'honneur. Avoir failli aller à Shanghaï ou y être allé, pour
Tarascon, c'était tout comme. A force de parler du voyage de Tartarin, on
finit par croire qu'il en revenait, et le soir, au cercle, tous ces messieurs lui
demandaient des renseignements sur la vie à Shanghaï, sur les mœurs, le
climat, l'opium, le Haut Commerce.

Tartarin, très bien renseigné, donnait de bonne grâce les détails qu'on
voulait, et, à la longue, le brave homme n'était pas bien sûr lui-même de
n'être pas allé à Shanghaï, si bien qu'en racontant pour la centième fois la
descente des Tartares, il en arrivait à dire très naturellement: «Alors, je fais
armer mes commis, je hisse le pavillon consulaire, et pan! pan! par les
fenêtres, sur les Tartares.» En entendant cela, tout le cercle frémissait...

«Mais alors votre Tartarin n'était qu'un affreux menteur. — Non! mille
fois non! Tartarin n'était pas un menteur... — Pourtant, il devait bien savoir
qu'il n'était pas allé à Shanghaï!—Eh! sans doute, il le savait. Seulement...»

Seulement, écoutez bien ceci. Il est temps de s'entendre une fois pour
toutes sur cette réputation de menteurs que les gens du Nord ont faite aux
Méridionaux. Il n'y a pas de menteurs dans le Midi, pas plus à Marseille
qu'à Nîmes, qu'à Toulouse, qu'à Tarascon. L'homme du Midi ne ment pas,
il se trompe. Il ne dit pas toujours la vérité, mais il croit la dire... Son
mensonge à lui, ce n'est pas du mensonge, c'est une espèce de mirage2...

Oui, du mirage!.. Et pour bien me comprendre, allez-vous-en dans le
Midi, et vous verrez. Vous verrez tout plus grand que nature. Vous verrez
ces petites collines de Provence pas plus hautes que la butte Montmartre et

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qui vous paraîtront gigantesques, vous verrez la Maison Carrée3 de
Nîmes— un petit bijou d'étagère —, qui vous semblera aussi grande que
Notre-Dame. Vous verrez... Ah! le seul menteur du Midi, s'il y en a un,
c'est le soleil... Tout ce qu'il touche, il l'exagère!.. Qu'est-ce que c'était que
Sparte au temps de sa splendeur? Une bourgade... Qu'Athènes? Tout au
plus une sous-préfecture... et pourtant elles nous apparaissent comme des
villes énormes. Voilà ce que le soleil en a fait...

Vous étonnerez-vous après cela que le même soleil, tombant sur
Tarascon, ait pu faire d'un ancien capitaine d'habillement comme Bravida,
le brave Bravida, d'un navet un baobab4, et d'un homme qui avait failli aller
à Shanghaï un homme qui y était allé*?

ALPHONSE DAUDET. Tartarin de Tarascon (1872).
Примечания:

1. Небольшой городок на левом берегу Роны недалеко от Авиньона. 2. Мираж
3. Знаменитый античный храм в Ниме, построенный в римскую эпоху. Его размеры
около 25 м в длину и 12 — в ширину. 4. Баобаб — африканское дерево, имеющее
очень толстый ствол.

Вопросы:

* Cherchez, dans l'œuvre d'A. Daudet (et plus spécialement dans Tartarin de Tarascon).
d'autres passages où l'écrivain exploite comiquement ce goût de l'exagération propre, dit-il,
aux gens de Provence.

LA POIGNÉE DE MAIN FRANÇAISE

C'est en effet un geste bien familier aux Français, et dont la fréquence étonne
parfois les étrangers. MARC BLANCPA1N, dans ce «billet» d'un journal quotidien,
répond à un lecteur qui déflorait le temps perdu à serrer des mains... et les
risques d'infection que ce geste comporte.

Je vous le dis tout de suite, monsieur, vos considérations économiques
ne me touchent point. La demi-heure que nous perdons à nous serrer la
main, nous sommes toujours capables, voyez-vous, de la rattraper. Parce
que nous ne travaillons ni comme des bœufs ni comme des machines, mais
comme des hommes qui savent forcer l'allure, accélérer le rendement, faire
vite ou plus vite encore selon leur humeur ou la nécessité.

Quant à l'échange de microbes, il ne nous effraie point; des microbes, il
y en a partout: dans l'air que tous les hommes respirent, dans les boissons
et les aliments qu'ils avalent — même quand ces aliments sont enveloppés

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de cellophane! Certes, toutes les mains ne sont pas agréables à serrer. Il en
est de moites ou de rugueuses, de molles ou de brutales; mais la politesse
est justement dans le petit effort que nous faisons pour surmonter nos
répugnances. Et puis, monsieur, il vaut mieux tendre la main spontanément
plutôt que de se sentir obligé de la lever machinalement, comme faisaient
tant de gens, il n'y a pas si longtemps, dans des pays, hélas! voisins du
nôtre!

Ces serrements de mains ne sont pas toujours sincères? Nous le savons,
monsieur, et nous mettons dans ce geste ce que nous voulons y mettre: de
l'amitié ou seulement un peu de cordialité, de la froideur quelquefois et
même une réprobation muette. Personne pour s'y tromper. Mais la main
tendue et ouverte—même réticente — signifie toujours qu'aucune haine
n'est irrémédiable, que le pardon reste souhaitable et la réconciliation
possible, que la vie entre nous garde ses chances de redevenir, aimable. Et
c'est cela qui est important, bien plus important qu'une demi-heure de
paperasserie plus ou moins utile*.

MARC BLANCPAIN ( 1956).

Вопросы:

* Avez-vous une opinion sur cette question?

LE CULTE DES «IDÉES»

Héritier de Voltaire par la souplesse de la pensée et la limpidité du style,
ANDRÉ MAUROIS est aussi un des Français qui connaissent le mieux les Anglo-
Saxons. Nul ne paraissait plus qualifié pour établir entre les uns et les autres
une spirituelle comparaison.

Un écrivain américain, Claude Washburn, a dit de nous: «Les Français
sont logiques dans un monde de folie. Pour eux, non seulement 2 et 2 font 4,
mais 32 et 32 font 64, et non 4-589 comme pour tout le monde. Leurs esprits
sont ordonnés, balayés et clairs comme leur langage.» Et un homme d'État
anglais: «Quand je discute avec un Français, très vite vient un moment où
il me dit: «Tout de même, vous reconnaissez que 2 et 2 font 4?» Je
réponds: «Non», et la coopération efficace commence.»

A la vérité. Anglais et Américains se trompent en croyant les Français
logiques. Il arrive, très souvent, que le Français soit passionné au point
d'oublier toute logique. Souvenons-nous de l'Affaire Dreyfus1 ou des
discussions sur la С. Е. D.2 Nous avons eu Descartes et sa méthode, mais

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aussi Pascal et son abîme; Voltaire, mais Rousseau; Anatole France1, mais
Maurice Barrés4. Ce qui reste exact, c'est que le Français a le goût des
idées et le respect de l'intelligence; en cela contraire à l'Anglais, qui a la
méfiance des idées générales et le respect du caractère. Chez nous la
culture occupe, dans l'échelle des valeurs, une place plus élevée qu'ailleurs.

Hier, dans un train, j'écoutais parler deux ingénieurs français: «Ah! qu'il
est difficile, soupirait l'un d'eux, de faire un rapport pour le patron! Il ne se
contente pas de faits; il veut des idées transcendantes5 sur la politique et
l'économie.» Et l'autre, un peu plus tard, parlant de l'affaire qu'il dirige:

«Elle est, disait-il, comme le Pélican de Musset6 Elle se laisse dévorer
par ses filiales.»

Idées transcendantes... Citations littéraires... Dialogue très français. Le
polytechnicien, qui joue dans la vie de notre pays un rôle capital, constitue
un remarquable exemple du culte de l'intelligence. Non seulement «il met
en équations la guerre, la tempête et l'amour», mais il exige que les faits se
soumettent à ses raisonnements. Voyez, dans Les Cyclones1de Jules Roy,
ce personnage de technicien qui a calculé un avion supersonique et qui,
malgré les accidents, n'admet pas que l'événement prenne le pas sur
l'aérodynamique. Qui de nous n'a connu des ingénieurs qui jugeaient
scandaleux que la mer démolît leurs digues? Des généraux qui mettaient
leur point d'honneur à ne pas sacrifier leur doctrine à l'évidence contraire?
Les administrations françaises sont les seules à émailler leurs règlements
de formules mathématiques, qui dissimulent la complexité du réel sous la
précision inhumaine des coefficients. Les partis politiques français
s'attachent plus aux principes qu'aux conséquences.

ANDRÉ MAUROIS. Portrait de la France et des Français (1955).

Примечания:

\. В 1894 г. по сфабрикованному обвинению в шпионаже был осужден капитан
французской армии А.Дрейфус, причем при полном отсутствии доказательств. Дело
Дрейфуса раскололо французское общество на "дрейфусаров" и "антидрейфусаров".
Под давлением общественного мнения дело было пересмотрено, и Дрейфус был при-
знан невиновным. 2. Communauté Européenne de Défense: Европейское Оборонитель-
ное Сообщество. В 1954 г. возник план создания подобного военно-политического
объединения, однако он не был реализован. 3. Писатель левой ориентации. 4. Писа-
тель, придерживавшийся правых взглядов. 5. Т.е. безмерно глубоких и своеобразных
6. Пеликан является символом милосердия, так как по легенде он выкармливает птен-
цов собственной кровью. Пеликана воспел А. Де Мюссе в стихотворении "Майская
ночь" ("Новые стихотворения"). 7. Театральная пьеса на тему об авиации.

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SOLITUDE ET GRANDEUR
DE LA FRANCE

C'est à MARCEL-EDMOND NAEGELEN que nous demanderons une conclusion
pour cette -partie de notre ouvrage.

Cet Alsacien, qui appartient à la gauche du Parlement, s'est penché avec une
tendresse, inquiète sur l'histoire de notre pays. Son témoignage est celui d'un
patriote et d'un ardent champion de l'humanité.

Le cardinal de Florence, légat du pape Clément Vil auprès du roi de
France Henri IV de 1596 à 1598, écrivait au Saint-Siège: «Ce pays que l'on
gouverne au petit bonheur, c'est miracle qu'il puisse subsister.» C'est un
miracle qui dure depuis des siècles, avec des hauts et des bas, avec des
périodes où la France dominait et d'autres où elle semblait abattue (...).

Nous savons que la France avec sa population de quarante-trois millions
d'habitants, son Afrique du Nord impatiente d'échapper à sa tutelle, son
industrie insuffisante pour l'armement qu'exigerait la guerre, sans bombes
atomiques devant les forces énormes qui montent, ne peut plus, ne veut
plus connaître ses hauts et ses bas, grimper au premier rang pour retomber
dans la défaite: 1811 -1815; 1919- 1940. Elle doit être avare de son sang
répandu par tant de guerres. Il lui faut se tenir fermement à sa place, qui
correspond à son passé et à sa présente valeur. Il lui faut savoir qu'elle ne
peut plus obtenir par la force brutale la prédominance ou la gloire. Sa force
ne peut être désormais que dans la pensée, sa prédominance et sa gloire
dans la qualité des idées qu'elle répandra et qu'elle fera admettre.

Il n'est pas de solitude dans le monde de la philosophie, de la littérature,
des arts, des sciences. Nous ne serons pas seuls quand nous serons, à l'О.
N. U., dans les conférences internationales, politiques, littéraires, scienti-
fiques, la voix de la sagesse et de l'humanité. Nul, nous l'avons vu, ne peut
sacrifier si peu que ce soit à la France en souvenir des sacrifices qu'elle a
consentis. Nous sommes seuls quand il s'agit de nos propres intérêts. Nous
ne le serons pas quand nous exprimerons ce qui est l'éternelle aspiration
des hommes au temps où plane la menace des bombes et des nuages
atomiques.

Il faut renoncer à la forme de grandeur et de solitude où s'est endormi
Napoléon dans Sainte-Hélène. Il faut conquérir la grandeur et l'universel
amour qui engendrent les œuvres impérissables de l'esprit que ne peut
détruire aucun Waterloo.

Malgré le poids de sa grandeur politique passée, malgré ses faiblesses
présentes, malgré sa solitude quand sont en cause ses biens matériels, la

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France peut et doit être une très grande nation.

Avec Ernest Renan nous croyons en «ses éternelles puissances de
renaissance et de résurrection». Le monde attend, car il en a besoin, de la
France une nouvelle preuve de sa vitalité. Nous ne serons plus une grande
puissance militaire. Nous serons une grande force intellectuelle et morale
et par conséquent politique.

Et si la guerre devient impossible parce que les hommes auront trop
peur de ses effets, si la paix durable et sûre règne sur la terre, alors qui
pourra disputer à la France une des toutes premières places? Cette ambition
peut paraître dans cette période si agitée un rêve insensé. Mais c'est
justement parce que le monde est en pleine ébullition et que l'homme vient
de s'emparer de la force atomique que nous pouvons espérer être à la veille
de temps nouveaux où la France redeviendra très grande, lorsque au règne
actuel de la force, de la méfiance et de la haine aura succédé l'ère de
l'harmonie, de l'idée et de la beauté*.

M.-E. NAEGELEN. Grandeur et Solitude de la France (1956).

Вопросы:

* L'ambition éprouvée et exprimée par M.E. Naegekn correspond-elle à l'idée que vous
vous faites de la France?'


V. Нравы и обычаи