Смекни!
smekni.com

Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 64 из 81)

Avaient retrouvé l'Europe, tout enveloppée de neige, grande et grise,

Sans voix, sans figure, les accueillant dans le sommeil.

Et ce clair jour de l'Epiphanie4, nous laissions à notre droite, derrière
nous,

La Corse, toute blanche, toute radieuse, comme une mariée dans la
matinée carillonnante!

Ysé, vous reveniez d'Egypte, et, moi je ressortais du bout du monde, du
fond de la mer,

Ayant bu mon premier grand coup de la vie et ne rapportant dans ma
poche

Rien d'autre qu'un poing dur et- des doigts sachant maintenant compter.

Alors un coup de vent comme une claque

Fit sauter tous vos peignes et le tas de vos cheveux me partit dans la
figure!

376


Voilà la grande jeune fille

Qui se retourne en riant; elle me regarde et je la regardai.

YSÉ
Je me rappelle ! vous laissiez pousser votre barbe à ce moment, elle était

roide comme une étrille" !

Comme j'étais forte et joyeuse à ce moment! comme je riais bien!

comme je me tenais bien! Et comme j'étais jolie aussi!
Et puis la vie est venue, les enfants sont venus,
Et maintenant vous voyez comme me voilà réduite et obéissante
Comme un vieux cheval blanc qui suit la main qui le tire,
Remuant ses quatre pieds l'un après l'autre*.

Acte I.

Примечания:

1. Сильный ветер, дующий на юге Франции. 2. Боронит — от сельскохозяйствен-
ного орудия "борона". 3. Иллюминатор. 4. Христианский праздник: в этот день цари-
волхвы пришли на поклонение к младенцу Христу. 5 Скребница, которой чистят ло-
шадей

Вопросы:

* Relevez et étudiez les images contenues dans ce texte. Quelle idée peuvent-elles
donner du lyrisme claudéhea?

JEAN GIRAUDOUX (1882-1944)

Ç 'AURA été l'un des principaux mérites de JEAN GIRAUDOUX que de ressusciter
quelques-uns des grands mythes de l'Antiquité. Non point qu'il les traite à
l'imitation des classiques, pour fuir les problèmes de l'époque: au contraire, il
les repense en homme du
XXesiècle et trouve dans l'actualité un des moyens
les plus sûrs pour éclairer d'un 'jour nouveau des questions éternelles.
Ainsi cette Guerre de Troie, qu'Hector et Ulysse tentent désespérément
d'empêcher: elle ressemble beaucoup moins au conflit dépeint dans l'épopée
homérique qu'à ces conflagrations absurdes qui ont embrasé notre époque
malgré tant de loyaux efforts pour les conjurer... Mais l'art de Giraudoux traite
ces graves problèmes d'une touche si légère qu'on n'en sent pas toujours le
pathétique.

.377


LA GUERRE DE TROIE N'AURA PAS LIEU (1935)

HECTOR

Eh bien, le sort en est jeté, Ulysse! Va pour la guerre1! A mesure que j'ai
plus de haine pour elle, il me vient d'ailleurs un désir plus incoercible2 de
tuer... Partez, puisque vous me refusez votre aide...

ULYSSE

Comprenez-moi, Hector!.. Mon aide vous est acquise. Ne m'en veuillez
pas d'interpréter le sort. J'ai seulement voulu lire dans ces grandes lignes
que sont, sur l'univers, les voies des caravanes, lés chemins des navires, le
tracé des grues volantes et des races. Donnez-moi votre main. Elle aussi
a ses lignes. Mais ne cherchons pas si leur leçon est la même. Admettons
que les- trois petites rides au fond de la main d'Hector disent le contraire de
ce qu'assurent les fleuves, les vols et les sillages. Je suis curieux de nature,
et je n'ai pas peur. Je veux bien aller contre le sort. J'accepte Hélène. Je la
rendrai à Ménélas. Je possède beaucoup plus d'éloquence qu'il n'en faut
pour faire croire un mari à la vertu de sa femme. J'amènerai même Hélène
à y croire elle-même. Et je pars à l'instant, pour éviter toute surprise. Une
fois au navire, peut-être risquons-nous de déjouer la guerre.

HECTOR
Est-ce là la ruse d'Ulysse, ou sa grandeur?

ULYSSE

Je ruse en ce moment contre le destin, non contre vous. C'est un premier
essai, et j'y ai plus de mérite. Je suis sincère, Hector... Si je voulais la
guerre, je ne demanderais pas Hélène, mais une rançon qui vous est plus
chère... Je pars... Mais je ne peux me défendre de l'impression qu'il est bien
long, le chemin qui va de cette place à mon navire.

HECTOR

Ma garde vous escorte.

ULYSSE

II est long comme le parcours officiel des rois en visite quand l'attentat
menace... Où se cachent les conjurés? Heureux nous sommes, si ce n'est
pas dans le ciel même... Et le chemin d'ici à ce coin du palais est long... Et
long mon premier pas... Comment va-t-il se faire, mon premier pas, entre
tous ces périls?.. Vais-je glisser et me tuer?.. Une corniche va-t-elle
s'effondrer sur moi de cet angle? Tout est maçonnerie neuve ici, et j'attends

378


la pierre croulante*... Du courage... Allons-y.
(Il fait un premier pas.)

HECTOR
Merci, Ulysse.

ULYSSE
Le premier pas... Il en reste combien?

HECTOR
Quatre cent soixante.

ULYSSE
Au second! Vous savez ce qui me décide à partir, Hector...

HECTOR
Je le sais. La noblesse.

ULYSSE

Pas précisément... Andromaque a le même battement de cils que
Pénélope3.

Acte II, se. XIII.

Примечания:

1. Expression familière: d'accord, pour la guerre! — "Ну что ж, война так война" или
"Пусть будет война!". 2. Неукротимое. 3. Пенелопа — жена Улисса, двадцать лет
ждавшая его возвращения с Троянской войны..

Вопросы:

* Comment Giraudoux exprime-t-il ici l'idée que la guerre est une fatalité?

JULES ROMAINS (né en 1885)

Si le romancier des Hommes de Bonne Volonté laisse un héritage digne de
Balzac, l'auteur de Knock peut revendiquer l'honneur d'avoir créé un type aussi
vivant, aussi nécessaire que Tartuffe ou M. Jourdain: symbole à la fois de
l'esprit d'entreprise, du génie publicitaire et surtout des grands animateurs

379


qui, imposant aux foules une conscience collective*, les poussent où ils veulent
pour le bien
ou le mal.

KNOCK(1924)

Knock reçoit le docteur Parpalaid, à qui il a succédé comme médecin dans une pente
ville de province. Il lui indique comment il a procédé pour donner à sa clientèle une exten-
sion prodigieuse.

KNOCK, souriant. — Regardez ceci: c'est joli, n'est-ce pas?

LE DOCTEUR. — On dirait une carte du canton1. Mais que signifient tous
ces points rouges?

KNOCK. — C'est la carte de la pénétration médicale. Chaque point rouge
indique l'emplacement d'un malade régulier. Il y a un mois, vous auriez vu
ici une énorme tache grise: la tache de Chabrières.

LE DOCTEUR. — Plaît-il2?

KNOCK. — Oui, du nom du hameau qui en formait le centre. Mon effort
des dernières semaines a porté principalement là-dessus. Aujourd'hui, la
tache n'a pas disparu, mais elle est morcelée. N'est-ce pas? On la remarque
à peine. (Silence.)

LE DOCTEUR. — ... Vous êtes un homme étonnant. D'autres que moi se
retiendraient peut-être de vous le dire: ils le penseraient. Ou alors, ils ne
seraient pas des médecins. Mais me permettez-vous de me poser une
question tout haut?.. Vous allez dire que je donne dans le rigorisme . Mais
, est-ce que, dans votre méthode, l'intérêt du malade n'est pas un peu
subordonné à l'intérêt du médecin?

KNOCK. — Docteur Parpalaid, vous oubliez qu'il y a un intérêt supérieur
à ces deux-là.

LE DOCTEUR. — Lequel?

KNOCK. — Celui de la médecine. C'est le seul dont je me préoccupe.

(Silence. Parpalaid médite.)

LE DOCTEUR. — Oui, oui, oui.

(Dès ce moment, et jusqu'à la fin de la pièce, l'éclairage de la scène
prend peu à peu les caractères de la Lumière Médicale, qui, on le sait, est
plus riche en rayons verts et violets que la simple Lumière Terrestre.)

KNOCK. — Vous me donnez un canton peuplé de quelques milliers
d'individus neutres, indéterminés. Mon rôle, c'est de les déterminer, de les

380


amener à l'existence médicale. Je les mets au lit et je regarde ce qui va
pouvoir en sortir: un tuberculeux, un névropathe4, 'un artérioscléreux5 ce
qu'on voudra, mais quelqu'un, bon Dieu! quelqu'un! Rien ne m'agace
comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien
portant**.

LE DOCTEUR. — Vous ne pouvez cependant pas mettre tout un canton au

lit!

KNOCK. — Cela se discuterait. Car j'ai connu, moi, cinq personnes delà
même famille, malades toutes à la fois, au lit toutes à la fois, et qui se
débrouillaient fort bien. Votre objection me fait penser à ces fameux
économistes qui prétendaient qu'une grande guerre moderne ne pourrait pas
durer plus de six semaines. La vérité, c'est que nous manquons tous
d'audace, que personne, pas même moi, n'osera aller jusqu'au bout et mettre
toute une population au lit, pour voir, pour voir! Mais soit! je vous
accorderai qu'il faut des gens bien portants, ne serait-ce que pour soigner
les autres, ou former, à l'arrière des malades en activité, une espèce de
réserve6 Ce que je n'aime pas, c'est que la santé prenne des airs de
provocation, car, alors, vous avouerez que c'est excessif. Nous fermons les
yeux sur un certain nombre de cas, nous laissons à un certain nombre de
gens leur masque de prospérité. Mais s'ils viennent ensuite se pavaner7
devant nous et nous faire la nique8, je me fâche. C'est arrivé ici pour M.
Raffalens.

LE DOCTEUR. — Ah! le colosse9? Celui qui se vante de porter sa belle-
mère à bras tendu?

KNOCK. — Oui. Il m'a défié près de trois mois... Mais ça y est.

LE DOCTEUR. — Quoi?

KNOCK. — II est au lit. Ses vantardises commençaient à affaiblir l'esprit
médical de la population***.

Acte III, se. VI.

Примечания:

1. Кантон — административно-территориальная единица, в состав которой входит
несколько коммун. 2. Que voulez-vous dire, s'il vous plaît? 3. Ригоризм, строгое соблю-
дение нравственных принципов или правил поведения. 4. Невропат. 5. Склеротик.
6. Резервы. 7. Держаться, как человек, танцующий павану, т.е. гордо, высокомерно.
8. Посмеиваться, насмехаться. 9. Колосс.

381


Вопросы:

* Jules Romains est le poète de Vunanimisme, qu'illustre son œuvre entière.

** Knoch obéit-il ici seulement à l'esprit de lucre? N'est-il pas également victime d'une
sorte de déformation professionnelle?

*** En quoi consiste la satire contenue dans cette scène? Montrez que Knock n'est
pas une simple tpiice sur les médecins», que le personnage auraUpuprospérer dans les
affaires, la politique, êfc.

EDOUARD BOURDET (1887 1944)

Avant d'être nommé, en 1936, administrateur de la Comédie-Française et d'y
introduire un souffle nouveau en faisant appel à des metteurs en scène comme
Dullin, Copeau, Jouvet, Pitoëff, EDOUARD BOURDET s'était signalé comme un
des plus solides auteurs dramatiques de 1'entre-deux-guerres.
S'attaquant sans réserve aux mœurs de son époque, il en a fait une satire
vigoureuse qui s'est exprimée dans une douzaine de pièces. La plus célèbre de
toutes dépeint les ravages exercés par l'argent dans la haute bourgeoisie
d'affaires, quand celle-ci, touchée par une crise économique, traverse ce que
l'auteur appelle, non sans humour, des Temps difficiles.

LES TEMPS DIFFICILES (1934)

Milanie Laroche, veuve d'un grand industriel, se trouve brusquement ruinée pour
n'avoir pas suffisamment surveillé ses affaires depuis la mort de son mari. Elle subit les
reproches de Jérôme, son beau-frère, qu'elle a entraîné dans sa ruine.

MÉLANIE
Je suppose qu'on ne nous laissera pas mourir de faim.

JÉRÔME
Qui: on?

MÉLANIE

Eh bien, je ne sais pas, moi: les créanciers... Quand ils verront que j'ai
donné tout ce que j'avais' et qu'il ne me reste plus rien...

JÉRÔME
Qu'est-ce que vous imaginez? Qu'ils vont vous servir une rente?

MÉLANIE
Enfin, quelque chose comme ça... non?

382


JÉRÔME

Ah! peut-être bien... Et puis peut-être aussi que le gouvernement ouvrira
pour vous une souscription nationale et qu'on mettra votre buste au
Panthéon2 Qui sait...

MÉLANIE

Ne vous moquez pas de moi, Jérôme! Je me rends compte que vous
n'approuvez pas ma décision , et je le regrette, mais, que voulez-vous!.. Je
me suis demandé, avant de la prendre, ce que mon mari ou l'un de ses
prédécesseurs auraient fait en pareille circonstance et je suis arrivée à la
conviction qu'ils auraient agi exactement comme je le fais.

JÉRÔME
Ah? Vous croyez?

MÉLANIE

Je le crois, oui. Et Berlin4 aussi le croit. Il m'a dit qu'un geste comme
celui-là était tout à fait dans la tradition des Laroche.

JÉRÔME
Il vous a dit ça?

MÉLANIE
Oui.

JÉRÔME
C'est monstrueux!..

MÉLANIE
Comment?

JÉRÔME, éclatant.

Monstrueux, je vous dis!.. Ils doivent s'étrangler d'indignation dans leur
tombe, les Laroche, s'ils voient ce qui se passe!.. Ils vous maudissent et ils
vous renient, tous autant qu'ils sont, du premier au dernier!..

MARCEL5, avec reproche.

Jérôme!

JÉRÔME, continuant

D'abord, vous n'êtes pas une Laroche! Vous êtes une Montaigu6, et ça se
voit! Si vous aviez dans les veines la plus petite-goutte de sang Laroche,
vous n'auriez pas fait ce que vous avez fait depuis quinze ans que, pour le

383


malheur des Établissements Laroche, vous aviez hérité les actions de votre
mari!