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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 76 из 81)

«Ah! c'est donc vous, monsieur, qui composez de la musique pour cinq
cents musiciens?»

Et l'impertinent de répondre:

«Pas toujours, monseigneur; j'en fais quelquefois pour quatre cent
cinquante.»

A Budapest, succès «ébouriffant» grâce à l'adjonction au programme de
la Marche hongroise (Rakoczy-marche). Un amateur viennois lui avait
donné le conseil d'orchestrer ce thème national hongrois, et, à la veille de
son départ pour Pest, Berlioz l'écrivit dans la nuit. Est-ce scrupuleusement
vrai? Peut-être. En tout cas le conseil était bon. Ecrit de verve, et
pressentant le retentissement qu'un tel morceau aurait sur le public
hongrois, si sensible, si ardemment national, il le plaça à la fin du concert.
Bien lui en prit10. Car après une sonnerie de trompettes annonçant le thème
exécuté piano par les flûtes et les clarinettes, l'auditoire fut aussitôt comme
parcouru d'un frissonnement d'attente. Mais quand, sur un long crescendo,

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des fragments fugues" du thème reparurent, entrecoupés de notes sourdes
de la grosse caisse simulant des coups de canon lointains, la salle se mit
à fermenter et, au moment où l'orchestre déchaîné dans une mêlée furieuse
lança son fortissimo si longtemps contenu, des cris, des trépignements
ébranlèrent la salle du haut en bas: «La fureur concentrée de toutes ces
âmes bouillonnantes fit explosion avec des accents qui me donnèrent le
frisson de la terreur; il me sembla sentir mes cheveux se hérisser et à partir
de cette fatale mesure je dus dire adieu à la péroraison de mon morceau, la
tempête de l'orchestre étant incapable de lutter contre l'éruption de ce
volcan dont rien ne pouvait arrêter les violences12.» Il fallut le bisser
aussitôt, le trisser même. Puis on se précipita de partout pour embrasser
l'auteur, l'étouffer. Un homme se jeta sur lui en balbutiant: «Ah! monsieur,
monsieur! Moi Hongrois... pauvre diable..., pas parler français... un poco
l'italiano... pardonnez... Ah! ai compris votre canon... Oui, oui la grande
bataille...» (...) Et se frappant la poitrine à grands coups de poing: «Dans le
cœur, moi... je vous porte... Ah! Français... révolutionnaires... savoir faire
la musique des révolutions.»... Lis/t lui-même connut-il dans son pays
natal pareil triomphe**?

GUY DE POURTALÈS. Berlioz et l'Europe romantique (1930).
Примечания:

1. Летом 1845 г. 2. Эти строки принадлежат Берлиозу. 3. Берлиоз упоминает здесь
"Фантастическую симфонию". "Сцена на полях" и "Шествие на казнь" являются наи-
более известными эпизодами из нее. 4. "Римского карнавала". 5. Из "Гарольда в Ита-
лии". 6. См. прим. 2. 7. Чудаком, тронутым (разг.). 8. Австрийский министр иностран-
ных дел, инициатор создания Священного союза 9. Меттерних был создателем кон-
цепции т.н. европейской политики. 10. Результаты этой идеи оказались весьма удачны
для него. 11. Трактованные, как фуга: различные партии на одну тему следуют друг за
другом и чередуются. 12. См. прим. 2.

Вопросы:

* Essayez défaire un rapprochement entre la musique de Berlioz et celle de Beethoven.
** Pourquoi l'auteur de La Damnation de Faust peut-il être regardé comme une grande
figure romantique?

QEORQES BIZET (1838 1875)

quand, en 1875, Georges Bizetfit représenter Carmen à l'Opéra-Comique, les
critiques lui reprochèrent d'avoir cédé à la mode du «wagnérisme». Ceux
d'aujourd'hui risqueraient plutôt d'être offusqués par l'excessive popularité de
l'ouvrage.

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C'est pour répondre à ce grief injuste que FRANÇOIS MAURIAC, d'une plume
vibrante, a pris la «défense de Carmen».

DÉFENSE DE CARMEN

Comme il existe une fausse délicatesse, il existe une fausse vulgarité.
Carmen est le type même de l'œuvre faussement vulgaire. C'est un piège
pour les esprits qui se croient distingués, un piège que tous les musiciens
éventent: je n'en connais aucun qui n'assigne à Carmen sa vraie place.

Mais il n'existe pas de chef-d'œuvre plus maltraité. Au Grand Théâtre
de Bordeaux, quand j'étais étudiant, à cause de l'accent terrible des «brunes
cigarières1» et des «petits soldats'», je croyais assister à des représentati
ons ridicules. Après tant d ' années, je découvre que Carmen était jouée là
comme elle doit l'être, dans une ivresse joyeuse, dans une odeur de jasmin
et d'abattoir, devant un peuple dressé, les dimanches d'été, à acclamer les
matadors étincelants lorsqu'ils roulaient vers les arènes, dans de vieilles
victorias2. Au deuxième acte, une toute jeune danseuse, RéginaBadet,
tournait sur une table de la «posada3», excitée par les claquements de
mains des figurants et du public.

Carmen nous était familière: avec ses accroche-cœurs4 luisants et ses
œillets, elle vendait des royans5 d'Arcachon, rue Sainte-Catherine6,
escortée de voyous frêles et redoutables. La scène prolongeait la rue:
Escamillo7, pour nous, s'appelait Guerita, Mazzantini, Reverte, Algabeno,
Fucutès, Bombita8, tous les diestros9que nous adorions pendant la
«temporada ».

Et la gitane" avait bien le visage de cette passion contre laquelle nos
pieux maîtres nous avaient mis en garde au collège: la mauvaise femme, la
fille damnée pour qui les soldats désertent et deviennent assassins, le
prédicateur de la retraite de fin d'études nous en avait fait une peinture
véridique:

Vous -pouvez m'arrêter
C'est moi qui l'ai tuée,
Carmen, ma Carmen adorée l2!

A la sortie, je rêvais un instant sous le péristyle. Le vent d'Espagne
soulevait tristement la poussière des allées de Tourny; de larges gouttes
s'écrasaient sur les pavés.

Plein de ces souvenirs, j'avais dit à mes enfants: «II faut que vous
entendiez Carmen!» Nous partîmes donc, un samedi soir, pour l'Opéra-

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Comique. D'avance, je me faisais une fête de leur joie. Je leur avais décrit
ce premier acte fourmillant, cette place espagnole rongée de soleil, le corps
de garde avec les soldats à califourchon sur des chaises, la manufacture de
tabac, la garde montante et les gamins qui défilaient en chantant, et les
cigarières qui se crêpent le chignon13, et Carmen dépoitraillée, la chemise
déchirée, avec du sang sur son épaule de camélia14 Je leur prédisais
l'enthousiasme de la foule, tous les airs bissés par le poulailler15 en délire.

Quelle stupeur! Nous accablons la pauvre Comédie-Française, parce
que tout de même il nous arrive d'y aller quelquefois. Mais qui donc
a jamais eu l'idée de louer, un samedi soir, une loge à l'Opéra-Comique,
pour voir jouer Carmen? Un public inclassable; des Polytechniciens, aux
yeux aveugles derrière leurs binocles, des Saint-Cyriens16 sortant de l'œuf!
Aussi la troupe «ne s'en fait pas», comme on dit. L'ouverture est jouée au
petit bonheur, avec une morne résignation, comme dans un café de second
ordre. Le rideau se lève sur la place où personne ne passe'7 sur un plateau
lugubre, occupé par des fonctionnaires résolus à «en mettre le moins
possible» et qui, sans aucune bonne grâce, débitent leurs airs derrière la
grille d'un bureau de poste*.

Et pourtant, le vieux chef-d'œuvre, à la fin, demeurait le plus fort, galva-
nisait peu à peu ces employés somnolents. Le don José ventru qui avait
gueulé: «La fleur que tu m'avais jetée » retrouvait au dernier acte une
espèce de style.

En dépit des interprètes, l'enchantement renaissait enfin. Sublime
dernier acte de Carmen! Et d'abord, la musique sauvage, haletante, éveillait
dans mon sang cette fièvre que nous connaissions tous, d'avant la corrida,
l'attente d'un triste bonheur... Carmen, sous sa mantille neigeuse, au milieu
d'une palpitation d'éventails, avançait suspendue au bras d'Escamillo, et le
cou gonflé, chantait avec un roucoulement rauque: «Oui, je t'aime,
Escamillo.»
Et tout à coup, dans la rumeur de cette fête, dans la poussière
dorée de ce beau jour, passait comme un souffle avant-coureur de la
foudre, la voix angoissée d'une amie: «Carmen, ne reste pas ici; il est là,
don José... il se cache... Prends garde!»

La musique de la «plaza19» se dissipe. L'homme se détache de la
muraille. Alors éclate la plainte éternelle: «Je ne menace pas, j'implore, je
supplie...» Et tout ce qui s'est toujours dit, dans tous les pays du monde,
sous tous les ciels, à ce tournant d'une passion: «J'oublie tout... Nous
recommencerons une autre vie...» Et cet avertissement monotone sans
cesse repris, cette petite vague désespérée qui bat, en vain, le cœur pétrifié
de la femme: «Carmen, il est temps encore... », et qui nous donne la

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sensation presque intolérable de la fatalité, et enfin ce sanglot: «Tu ne
m'aimes donc plus! » avec cette phrase déchirante des violons... Et toute la
suite, jusqu'au cri suprême de don José: il nous atteint au plus secret de
notre cœur, parce qu'il découvre brutalement une vérité insupportable,
connue de tous pourtant, mais qu'il faut tenir cachée, si on veut supporter
de vivre: «L'amour, dont la guerre est le moyen, écrit Nietzsche à propos de
Carmen, dont la haine mortelle des sexes est la base**...»

FRANÇOIS MAURIAC. Journal, tome II (1937).

Примечания:

1. Персонажи оперы. 2. Крытые экипажи, которые ввела в моду королева Викто-
рия. 3. Харчевня (исп.). 4. Завитки на висках и на лбу. 5. Разновидность сардин.
6. Торговая улица в Бордо. 7. Имя тореадора, соперника Хозе. 8. Имена знаменитых
матадоров. 9. Мастера тавромахии (исп.). 10. Коррида (исп.). II. Кармен. 12. Слова
Хозе в финале оперы. 13. Таскают друг друга за волосы (рак.) 14. Белого, как каме-
лия, цвета 15. Галерка (букв, курятник, а также нашест, на котором спят куры).
16. Политехническая школа и Сен-Сир — главные высшие военные учебные заведе-
ния во Франции. 17. Ироническое истолкование постановки и исполнения оперы.
18. Знаменитая ария. — Gueuler: кричать во все горло, вопить. 19. Площадь, арена,
где происходит коррида.

Вопросы:

* Éludiea l'art de la satire et même de la charge dans ce paragraphe.

** Pourquoi Nietzsche aimait-il tellement la musique de Georges Bizet? Pourquoi le
romancier Mauriac s'intéresse-t-il ainsi à la passion de don José?

CLAUDE DEBUSSY (1862-1918)

On sait l'épitaphe que souhaitait et qu'a obtenue l'auteur de Pelléas et
Me'lisande: «Claude Debussy, musicien français». Et certes, il y a un peu de
provocation dans cette formule: il s'agit, jusqu'au tombeau, de faire pièce à la
tyrannie wagnérienne.

Mais l'œuvre de Debussy est assez originale pour n'avoir besoin de s'opposer
à celle de personne. Ses vrais titres de gloire, elle les trouve dans les
harmonies si neuves qui évoquent les caprices bondissants du Faune dans le
fameux Prélude, ou les jeux aériens du soleil et du vent sur La Mer, ou les
formes élastiques et changeantes des Nuages dans le ciel. Et puis, et surtout, il
y a l'enchantement subtil et tragique de Pelléas...

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PRESTIGES DE PELLÉAS...

Toute la fin de Pelléas est un continu chef-d'œuvre. Quoi de plus beau
que les merveilleux accords, où se suivent les yeux innocents de Mélisande
jusque dans le plus sombre délire de son bourreau, ces doubles quintes où
passent on ne sait quels anges du ciel? Seul Parsifal a cette profondeur de
musique et ce sens du mystère; il faut toujours juger d'une musique sur le
philtre qu'elle nous verse et sur le génie qu'elle a d'exprimer l'inexprimable.
La musique n'illustre pas un texte: elle le transpose dans un autre ordre:
elle le prend à l'intelligence pour l'élever à la connaissance amoureuse de
l'émotion. Et comme la poésie ne prétend pas moins faire avec les moyens
qui lui sont propres, telle est la guerre du grand poète et du grand musicien
au théâtre: un grand poème se suffit, la musique le gâte*. Pour le grand
musicien, le seul poème qui lui convienne est celui où la musique peut
mettre la grande poésie qui n'y est point.

Quand les pauvres amants osent enfin s'avouer leur amour, au seuil de
la mort, répondant à l'ivresse de Pelléas, le murmure de Mélisande, presque
imperceptible, presque morne, sur une seule note, forme un aveu sublime.
Et l'adorable sourire de la mélodie: Je suis heureux, mais je suis triste, est
à la fois d'une profondeur et d'une délicatesse qu'on n'a jamais trouvées
ensemble ni jamais égalées. Presque partout, la simplicité des moyens le
dispute au raffinement. Il n'est musique près de celle-là qui ne semble ou
un peu vide ou au contraire trop grossière.