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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 57 из 81)

Вопросы:

* Montrez ce que la scène a de dramatique, au double sens du terme. Quel est le
caractère du jeune homme, tel qu'on peut le supposer d'après ce passage?

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JEAN COCTEAU (1892-1963)

jean COCTEAU est l'acrobate, le prestidigitateur deslettres françaises. Dans
tous les genres où il s'est essayé (et l'on sait qu'il ne se contente pas d'écrire,
mais qu'il dessine aussi et tourne des films), il a apporté une optique originale,
une manière de saisir et de présenter les choses qui n'est qu'à lui. Cependant,
c'est sans doute lorsqu'il a parlé de l'enfance que cet enfant terrible de la
littérature a le mieux laissé paraître son goût pour les êtres étranges et les
destins hors série.

LES ENFANTS TERRIBLES

La scène (une bataille entre écoliers à coups de boules de neige) se passe à Paris, entre
la rue d'Amsterdam et la rue de Clichy, non loin du petit lycée Condorcet.

Ce soir-là, c'était la neige. Elle tombait depuis la veille et naturellement
plantait un autre décor. La cité reculait dans les âges; il semblait que la
neige, disparue de la terre confortable, ne descendait plus nulle part
ailleurs et ne s'amoncelait que là.

Les élèves qui se rendaient en classe avaient déjà gâché, mâché, tassé,
arraché de glissades le sol dur et boueux. La neige sale formait une ornière
le long du ruisseau. Enfin cette neige devenait la neige sur les marches, les
marquises et les façades des petits hôtels. Bourrelets, corniches, paquets
lourds de choses légères, au lieu d'épaissir les lignes, faisaient flotter
autour une sorte d'émotion, de pressentiment, et grâce à cette neige qui
luisait d'elle-même avec la douceur des montres au radium, l'âme du luxe
traversait les pierres, se faisait visible, devenait ce velours qui rapetissait la
cité, la meublait, l'enchantait, la transformait en salon fantôme.

En bas, le spectacle était moins doux. Les becs de gaz éclairaient mal
une sorte de champ de bataille vide. Le sol écorché vif montrait des pavés
inégaux sous les déchirures du verglas; devant les bouches d'égout, des
talus de neige sale favorisaient l'embuscade, une bise scélérate baissait le
gaz par intervalles et les coins d'ombre soignaient déjà leurs morts.

De ce point de vue l'optique changeait. Les hôtels cessaient d'être les
loges d'un théâtre étrange et devenaient bel et bien des demeures éteintes
exprès, barricadées sur le passage de l'ennemi. Car la neige enlevait à la
cité son allure de place libre ouverte aux jongleurs, bateleurs1, bourreaux et
marchands. Elle lui assignait un sens spécial, un emploi défini de champ de
bataille.

Dès quatre heures dix, l'affaire était engagée de telle sorte qu'il devenait
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hasardeux de dépasser le porche. Sous ce porche se massaient les réserves2
giossies de nouveaux combattants qui arrivaient seuls ou deux par deux*.

« As-tu vu Dargelos? — Oui... non, je ne sais pas. »

La réponse était faite par un élève qui, aidé d'un autre, soutenait un des
premiers blessés et le ramenait de la cité sous le porche. Le blessé, un
mouchoir autour du genou, sautait à cloche-pied en s'accrochant aux
épaules.

Le questionneur avait une figure pâle, des yeux tristes. Ce devait être
des yeux d'infirme; il claudiquait et la pèlerine qui lui tombait à mi-jambes
paraissait cacher une bosse, une protubérance4, quelque extraordinaire
déformation. Soudain, il rejeta en arrière les pans de sa pèlerine, s'approcha
d'un angle où s'entassaient les sacs des élèves, et l'on vit que sa démarche,
cette hanche malade étaient simulées par une façon de porter sa lourde
serviette de cuir. Il abandonna la serviette et cessa d'être infirme, mais ses
yeux restèrent pareils.

Il se dirigea vers la bataille.

A droite, sur le trottoir qui touchait la voûte, on interrogeait un
prisonnier. Le bec de gaz éclairait la scène par saccades. Le prisonnier (un
petit) était maintenu par quatre élèves, son buste appuyé contre le mur. Un
grand, accroupi entre ses jambes, lui tirait les oreilles et l'obligeait à
regarder d'atroces images . Le silence de ce visage monstrueux qui
changeait de forme terrifiait la victime. Elle pleurait et cherchait à fermer
les yeux, à baisser la tête. A chaque tentative, le faiseur de grimaces
empoignait de la neige grise et lui frictionnait les oreilles**.

L'élève pâle contourna le groupe et se fraya une route à travers les
projectiles.

Il cherchait Dargelos. Il l'aimait (...).

Dargelos était le coq6 du collège. Il goûtait ceux qui le bravaient ou le
secondaient. Or, chaque fois que l'élève pâle se trouvait en face des
cheveux tordus7 des genoux blessés, de la veste aux poches intrigantes, il
perdait la tête.

La bataille lui donnait du courage. Il courrait, il rejoindrait Dargelos, il
se battrait, le défendrait, lui prouverait de quoi il était capable.

La neige volait, s'écrasait sur les pèlerines, étoilait les murs. De place en
place, entre deux nuits, on voyait le détail d'une figure rouge à la bouche
ouverte, une main qui désigne un but.

Une main désigne l'élève pâle qui titube et qui va encore appeler. Il
vient de reconnaître, debout sur un perron, un des acolytes8 de son idole.
C'est cet acolyte qui le condamne. Il ouvre la bouche: «Darg...»; aussitôt la

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boule de neige lui frappe la bouche, y pénètre, paralyse les dents. Il a juste
le temps d'apercevoir un rire et, à côté du rire, au milieu de son état-major.
Dargelos qui se dresse les joues en feu, la chevelure en désordre, avec un
geste immense. Un coup le frappe en pleine poitrine. Un coup sombre. Un
coup de poing de marbre. Un coup de poing de statue. Sa tête se vide. Il
devine Dargelos sur une espèce d'estrade, le bras retombé, stupide dans un
éclairage surnaturel.

Il gisait par terre. Un flot de sang échappé de la bouche barbouillait son
menton et son cou, imbibait la neige***. Des sifflets retentirent. En une
minute la cité se vida. Seuls quelques curieux se pressaient autour du corps
et, sans porter aucune aide, regardaient avidement la boue rouge. Certains
s'éloignaient, craintifs, en faisant claquer leurs doigts; ils avançaient une
lippe9, levaient les sourcils et hochaient la tête; d'autres rejoignaient leurs
sacs d'une glissade. Le groupe de Dargelos restait sur les marches du
perron, immobile. Enfin le censeur10 et le concierge du collège apparurent,
prévenus par l'élève que la victime avait appelé Gérard en entrant dans la
bataille. Il les précédait. Les deux hommes soulevèrent le malade; le
censeur se tourna du côté de l'ombre:

«C'est vous, Dargelos?

— Oui, monsieur.

— Suivez-moi.»

Et la troupe se mit en marche.

Les Enfants terribles (1920)

Примечания:

1. Ярмарочные акробаты, бродячие комедианты. 2. Резервы (военный термин)
3. Прихрамывал. 4 Выпуклость, выступ. 5. Грозные гримасы, которые строил
"большой". 6. Главарь, вожак. Существует выражение le coq du village, соответствую-
щее рускому "первый парень на деревне". 7. Даржело. 8. Приятелей. 9 Нижнюю губу
10. Надзиратель, отвечающий за дисциплину в лицее.

Вопросы:

* Relevez les expressions insolites contenues dans ce début (« sol écorché vif »,j)ar
exemple), et appré-ciez-en la justesse et /'originalité,

** Cette scène de cruauté enfantine vous paraît-elle vraisemblable?

* Comparez cette description avec le poème lie Cocteau inspiré par le même épisode ,

« Ce coup de poing de marbre était boule de neige

Et cela lui étoila le cœur;

Et cela étoilait la blouse du vainqueur,

Étoila le vainqueur noir que rien ne protège.

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Il restait stupéfait, debout

Dans la guérite de solitude,,

Jambes nues sous le gin, les noix d'or, le houx,

Etoile comme le tableau noir de l'étude.

Ainsi partent souvent du collège
Ces coups de poing qui font cracher le sang,
Ces coups de poing durs des boules de neige,
Que donne la beauté, vite, au cœur, en passant.
»

(Poésies)

JEAN GIONO (né en 1895)

On a parfois voulu réduire JEAN GIONO au rôle de chantre exalté de la
Provence. Mais l'auteur des Vraies Richesses et du Poids du Ciel est teaucouj)
plus qu'un simple romancier régionaliste. Même si l'on n'est pas d'accord avec
sa philosophie naturiste et son apologie de la civilisation paysanne, il faut bien
reconnaître en lui un prodigieux poète en prose, un inspiré chez qui l'imaêe
affleure en un jaillissement ininterrompu, un écrivain dont la phrase, parfois
pesante, a la saveur d'un lait crémeux...

UNE NUIT EXTRAORDINAIRE

C'était une nuit extraordinaire.

Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme
de l'herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d'or, épanouies,
enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de

nuit*.

Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, il se retournait.

«Il fait un clair de toute beauté», se disait-il.
Il n'avait jamais vu ça.

Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi
puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d'osier. Ça n'était
pas le vent. C'était tout simplement le ciel qui descendait jusqu'à toucher la
terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors
des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs.
Jourdan essaya de réveiller sa femme.
«Tu dors?

— Oui.

— Mais tu réponds?

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— Non,

— Tu as vu la nuit?

— Non.

— Il fait un clair superbe.»

Elle resta sans répondre et fit aller un gros soupir, un claqué des lèvres
et puis un mouvement d'épaules comme une qui se défait d'un fardeau.
«Tu sais à quoi je pense?

— Non.

— J'ai envie d'aller labourer entre les amandiers.

— Oui.

— La pièce, là, devant le portail.

— Oui.

— En direction de Fra-Joséphine2.

— Oh! oui», dit-elle.

Elle bougea encore deux ou trois fois ses épaules et finalement elle se
coucha en plein sur le ventre, le visage dans l'oreiller.

«Mais, je veux dire maintenant», dit Jourdan. Il se leva. Le parquet était
froid, le pantalon de velours glacé. Il y avait des éclats de nuit partout dans
la chambre. Dehors on voyait presque comme en plein jour le plateau et la
forêt Crémone. Les étoiles s'éparpillaient partout.

Jourdan descendit à J'étable. Le cheval dormait debout.

«Ah! dit-il, toi tu sais, au moins. Voilà que tu n'as pas osé te coucher.»

Il ouvrit le grand vantail3. Il donnait directement sur le large du champ.
Quand on avait vu la lumière de la nuit, comme ça, sans vitre entre elle et
les yeux, on connaissait tout d'un coup la pureté, on s'apercevait que la
lumière du fanal4 avec son pétrole, était sale, et qu'elle vivait avec du sang
charbonné.

Pas de lune, oh! pas de lune. Mais on était comme dessous des braises,
malgré ce début d'hiver et le froid. Le ciel sentait la cendre. C'est l'odeur
des écorces d'amandiers et de la forêt sèche.

Jourdan pensa qu'il était temps de se servir du brabant5 neuf. La charrue
avait encore les muscles tout bleus de la dernière foire, elle sentait le
magasin du marchand, mais elle avait l'air volonteuse6 C'était l'occasion ou
jamais. Le cheval s'était réveillé. II était venu jusque près de la porte pour
regarder.

Il y a sur la terre de beaux moments bien tranquilles.

«Si vraiment je l'attends7 parce qu'il doit venir, se dit Jourdan, il arrivera
une nuit comme celle-là.»

Il avait enfoncé le tranchant du contre8 au commencement du champ, en
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tournant le dos à la ferme de Fra-Joséphine et en direction de la forêt
Grémone. Il aimait mieux labourer dans ce sens parce qu'il recevait en
plein nez l'odeur des arbres. C'est le cheval qui, de lui-même, s'était placé
de ce côté.

Il y avait tant de lumière qu'on voyait le monde dans sa vraie vérité, non
plus décharné de jour mais engraissé d'ombre et d'une couleur bien plus
fine. L'œil s'en réjouissait. L'apparence des choses n'avait plus de cruauté,
mais tout racontait une histoire, tout parlait doucement aux sens. La forêt
là-bas était couchée dans le tiède des combes9 comme une grosse pintade
aux plumes luisantes.

«Et, se dit Jourdan, j'aimerais bien qu'il me trouve en train de labourer.»

Depuis longtemps il attendait la venue d'un homme. Il ne savait pas qui.
Il ne savait pas d'où il viendrait. Il ne savait pas s'il viendrait.' Il le désirait
seulement. C'est comme ça que parfois les choses se font et l'espérance
humaine est un tel miracle qu'il ne faut pas s'étonner si parfois elle s'allume
dans une tête sans savoir ni pourquoi ni comment. Le tout c'est qu'après
elle continue à soulever la vie avec ses grandes ailes de velours.

«Moi je crois qu'il viendra», se dit Jourdan. Et puis, c'est bien vrai, la
nuit était extraordinaire. Tout pouvait arriver dans une nuit pareille. Nous
aurions beau temps que l'homme vienne10**.

Que ma joie demeure (1935).

Примечания:

1. Чмоканье, т.е. онапричмокнула. — Giono aime employer les adjectifs ou les
participes avec une valeur de substantif (cf. infra: «le large du champ; le tiède des combes»).
Ce sont des tours tout latins. 2. Название соседней фермы. 3. Створка дверей. 4. Фонарь
"летучая мышь". 5. Плуг. 6. Mot de patois pour: volontaire. 7. Я жду человека, который
должен прийти (см. предпоследний абзац). 8. Лемех плуга (слово того же корня, что и
couteau) 9.Ложбин. 10. Хороший повод, чтобы он пришел.