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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 70 из 81)

Croyez-le bien, monsieur, quand je parle avec pitié de la civilisation, je
sais ce que je dis; et ce n'est pas la télégraphie sans fil qui me fera revenu-
sur mon opinion. C'est d'autant plus triste qu'il n'y a rien à faire: on ne
remonte pas une pente comme celle sur laquelle roule désormais le monde.

Et pourtant!

La civilisation, la vraie, j'y pense souvent. C'est, dans mon esprit,
comme un chœur de voix harmonieuses chantant un hymne, c'est une statue
de marbre sur une colline desséchée, c'est un homme qui dirait: «Aimez-
vous les uns les autres!» ou: «Rendez le bien pour le mal!» Mais il y a près
de deux mille ans qu'on ne fait plus que répéter ces choses-là (...).

On se trompe sur le bonheur et sur le bien. Les âmes les plus généreuses
se trompent aussi, parce que le silence et la solitude leur sont trop souvent
refusés. J'ai bien regardé l'autoclave4 monstrueux sur son trône. Je vous le
dis, en vérité, la civilisation n'est pas dans cet objet, pas plus que dans les

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pinces brillantes dont se servait le chirurgien. La civilisation n'est pas dans
toute cette pacotille terrible; et, si elle n'est pas dans le cœur de l'homme,
eh bien, elle n'est nulle part*.

Civilisation (1918)..
Примечания:

\. Имеется в виду война 1914 -1918 гг. 2. «Voilà ce qu'il me faut!» — cambrouse
(жарг.), глухая деревня, медвежий угол. 3. Отработанное машинное масло. 4. Стери-
лизатор, емкость для кипячения хирургических инструментов (сцена происходит в
операционной). 5. Безделушки, хлам, неимеющийреальнойценности.

Вопросы:

* Que faut-il penser de cette révolte de l'homme contre la machine/ On rapprochera
l'attitude de G. Duhamel de celles de Péguy et de Gide.

GEORGES BERNANOS (1888-1948)

AVANT d'être une des plus grandes voix que la Résistance française ait fait
entendre pendant l'occupation, GEORGES BERNANOS s'était signalé comme un
pamphlétaire redoutable et inspiré. Catholique, mais impitoyable pourfendeur
des «bien-pensants» de toute espèce, il a exprimé avec force la nostalgie d'une
fol militante aussi éloignée des tiédeurs de l'obéissance passive que du «réa-
lisme» des «combinards de la dévotion».

A cet égard, l'un de ses personnages, le curé de Torcy, semble bien exprimer,
dans son rude langage de prêtre flamand, l'idéal véhément de Bernanos.

LE CURÉ DE TORCY

Le curé de Torcy s'adresse au jeune curi d'Ambricourt (fas-dt-Calais), a qui il reproche
de Muaquer d'énergie.

Il est devenu tout rouge et m'a regardé de haut en bas. «Je me demande
ce que vous avez dans les veines aujourd'hui, vous autres jeunes prêtres.
De mon temps, on formait des hommes d'Église — ne froncez pas les
sourcils, vous me donnez envie de vous calotter1—, oui, des hommes
d'Église, prenez le mot comme vous voudrez, des chefs de paroisse, des
maîtres, quoi, des hommes de gouvernement. Ça vous tenait un pays, ces
gens-là, rien qu'en haussant le menton. Oh! je sais ce que vous allez me

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dire: ils mangeaient bien, buvaient de même, et ne crachaient pas2 sur les
cartes. D'accord! Quand on prend convenablement son travail, on le fait
vite et bien, il vous reste des loisirs et c'est tant mieux pour tout le monde.
Maintenant les séminaires nous envoient des enfants de chœur, des petits
va-nu-pieds qui s'imaginent travailler plus que personne parce qu'ils ne
viennent à bout de rien. Ça pleurniche au lieu de commander. Ça lit des tas
de livres et ça n'a jamais été fichu3 de comprendre — de comprendre, vous
m'entendez — la parabole de l'Époux et de l'Épouse4. (...) J'avais jadis —je
vous parle de mon ancienne paroisse — une sacristaine5 épatante6, une
bonne sœur de Bruges7 sécularisée8 en 1908, un brave cœur. Les huit
premiers jours, astique que j'astique9, la maison du bon Dieu s'était mise à
reluire comme un parloir10 de couvent, je ne la reconnaissais plus, parole
d'honneur! Nous étions à l'époque de la moisson, faut dire11, il ne venait
pas un chat, et la satanée12 petite vieille exigeait que je retirasse mes
chaussures — moi qui ai horreur des pantoufles! Je crois même qu'elle les13
avait payées de sa poche. Chaque matin, bien entendu, elle trouvait une
nouvelle couche de poussière sur les bancs, un ou deux champignons tout
neufs sur le tapis de choeur14, et des toiles d'araignées — ah! mon petit! des
toiles d'araignées de quoi faire un trousseau15 de mariée. «Je me disais:
astique toujours, ma fille, tu verras dimanche.» Elle dimanche est venu.
Oh! un dimanche comme les autres, pas de fête carillonnée16, la clientèle
ordinaire, quoi. Misère! Enfin, à minuit, elle cirait et frottait encore, à la
chandelle. Et quelques semaines plus tard, pour la Toussaint, une mission17
à tout casser18 prêchée par deux Pères rédemptoristes, deux gaillards19. La
malheureuse passait ses nuits à quatre pattes entre son seau et sa
vassingue20— arrose que j'arrose21— tellement que la mousse commençait
de grimper le long des colonnes, l'herbe poussait dans les joints des dalles.
Pas moyen de la raisonner, la bonne sœur! Si je l'avais écoutée, j'aurais
fichu22 tout mon monde à la porte pour que le bon Dieu ait Ips pieds au sec,
voyez-vous ça? Je lui disais: «Vous me rainerez en potions» — car elle
toussait, pauvre vieille! Elle a fini par se mettre au lit avec une crise de
rhumatisme articulaire, le cœur a flanché23 et plouf24! voilà ma bonne sœur
devant saint Pierre*. En un sens, c'est une martyre, on ne peut pas soutenir
le contraire. Son tort, ça n'a pas été de combattre la saleté, bien sûr, mais
d'avoir voulu l'anéantir, comme si c'était possible. Une paroisse, c'est sale,
forcément. Une chrétienté, c'est encore plus sale. Attendez le grand jour du
Jugement, vous verrez ce que les anges auront à retirer des plus saints
monastères, par pelletées — quelle vidange! Alors, mon petit, ça prouve
que l'Église doit être une solide ménagère, solide et raisonnable. Ma bonne

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sœur n'était pas une vraie femme de ménage: une vraie femme de ménage
sait qu'une maison n'est pas un reliquaire25. Tout ça, ce sont des idées de
poète**.»

Journal d'un Curé de Campagne (1936)

Примечания:

1. Надавать пощечин (разг.) 2. Не гнушаются (разг.) перекинуться в картишки
3. Способны (разг.). 4. В этой притче Супруг — это Христос, Супруга — христиан
екая церковь. 5. Монашка, следящая за порядком в ризнице. On dit plutôt: sacristine
6 Поразительная, потрясающая (разг.). 7. Брюгге, город в Бельгии. 8. Живущая в ми-
ру, но тем не менее принадлежащая церкви. 9. Изо всех сил наводила блеск (разг )
10. Помещение в монастыре, где принимают посетителей. 11. Надо сказать, отметить
(разг.) И далее' в церкви не было ни единого прихожанина (из-за жатвы)
12. Чертова (разг). 13. Домашние туфли. 14. Хоры, место для певчих в церкви

15. Белье и носильные вещи, которые новобрачная приносит в дом как приданое

16. Праздник, отмечаемый колокольным благовестом. 17 Серия проповедей, которые
произносят монахи, специально для этого направленные в приход 18 Приготов-
ленная с огромными стараниями (разг). 19. Крепкими, жизнерадостными людьми,
весельчаками. 20 Слово фламандского происхождения: половая тряпка. 21 Она во-
всю намывала. 22 Я бросил бы (разг.). 23. Сердце сдало. 24. Хлоп! Бац! (звукоподр.).
25. Реликвиарий, рака со святыми мощами.

Вопросы:

* Etudiez le langage du curé de Torcy. Montrez qu'il est en rapport avec la personnalité
de ce prêtre.

** Quel est le sens symbolique de l'anecdote contée ici?

ANDRÉ MALRAUX

(né en 1901)

ANDRE MALRAUX a pensé qu'il était dangereux -pour un artiste de se
retrancher de son époque et de ses contemporains: car c'est courir le risque de
perdre ce sens de la «fraternité», cette communication avec les autres hommes
que seul peut assurer un art réellement engagé-
Dans La Condition humaine
(1933) tt n'hésite pas, sans faire acte de formel
propagandiste, à militer aux côtés de ses personnages.

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LA CONDITION HUMAINE

Les communistes viennent de soulever Shanghai contre les oppresseurs de la Chine,
Européens ou grands féodaux asiatiques. Mais les nationalistes chinois, qui se sont, un
temps, alliés aux communistes, font exécuter les chefs de l'insurrection. L'un de ceux-ci,
Katovi, attend avec d'autres prisonniers le moment d'être brûlé vif dans une chaudière de
locomotive; il pourrait, comme l'a fait son camarade Kyo, se suicider avec du cyanure de
potassium; mais dans un élan de générosité, il donne son poison à deux de ses compagnons

«Hé la, dit-il à voix très basse. Souen, pose ta main sur ma poitrine, et
prends dès que je la toucherai; je vais vous donner mon cyanure. Il n'y en a
absolument que pour deux.»

Il avait renoncé à tout, sauf à dire qu'il n'y en avait que pour deux.
Couché sur le côté, il brisa le cyanure en deux. Les gardes masquaient la
lumière, qui les entourait d'une auréole trouble; mais n'allaient-ils pas
bouger? Impossible de voir quoi que ce fût; ce don de plus que sa vie,
Katow le faisan à cette main chaude qui reposait sur lui, pas même à des
corps, pas même à des voix. Elle se crispa comme un animal, se sépara de
lui aussitôt. Il attendit, tout le corps tendu. Et soudain, il entendit l'une des

deux voix:

«C'est perdu. Tombé.»

Voix à peine altérée1 par l'angoisse, comme si une telle catastrophe
n'eût pas été possible, comme si tout eût dû s'arranger. Pour Katow aussi,
c'était impossible. Une colère sans limites montait en lui mais retombait,
combattue par cette impossibilité. Et pourtant! Avoir donné cela pour que
cet idiot le perdît!

«Quand? demanda-t-il.

— Avant2 mon corps. Pas pu tenir quand Souen l'a passé; je suis aussi

. blessé à la main.

— Il a fait tomber les deux», dit Souen.

Sans doute cherchaient-ils entre eux. Ils cherchèrent ensuite entre
Katow et Souen, sur qui l'autre était probablement presque couché, car
Katow, sans rien voir, sentait près de lui la masse de deux corps. Il
cherchait lui aussi, s'efforçant de vaincre sa nervosité, de poser sa main à
plat, de dix centimètres en dix centimètres, partout où il pouvait atteindre.
Leurs mains frôlaient la sienne. Et tout à coup une des deux la prit, la serra,

la conserva.

«Même si nous ne trouvons rien...» dit une des voix. Katow, lui aussi,
serrait la main, à la limite des larmes, pris par cette pauvre fraternité sans
visage, presque sans vraie voix (tous les chuchotements se ressemblent) qui
lui était donnée dans cette obscurité contre le plus grand don qu'il eût

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jamais fait, et qui était peut-être fait en vain. Bien que Souen continuât
à chercher, les deux mains restaient unies. L'étreinte devint soudain
crispation:

«Voilà.» Оrésurrection!.. Mais:

«Tu es sûr que ce ne sont pas des cailloux?» demanda l'autre.

Il y avait beaucoup de morceaux de plâtre par terre.

«Donne!» dit Katow.

Du bout des doigts, il reconnut les formes.

Il les rendit — les rendit, — serra plus fort la main qui cherchait
à nouveau la sienne, et attendit, tremblant des épaules, claquant des dents.

«Pourvu que le cyanure ne soit pas décomposé, malgré le papiei
d'argent», pensa-t-il. La main qu'il tenait tordit soudain la sienne, et,
comme s'il eût communiqué par elle avec le corps perdu dans l'obscurité, il
sentit que celui-ci se tendait. Il enviait cette suffocation convulsive.
Presque en même temps, l'autre: un cri étranglé auquel nul ne prit garde.
Puis, rien. Katow se sentit abandonné. Il se retourna sur le ventre-et
attendit. Le tremblement de ses épaules ne cessait pas.

Au milieu de la nuit, l'officier revint. Dans un chahut3 d'armes heurtées,
six soldats s'approchèrent des condamnés. Tous les prisonniers s'étaient
réveillés. Le nouveau fanal, lui aussi, ne montrait que de longues formes
confuses — des tombes4 dans la terre retournée, déjà — et quelques reflets
sur des yeux. Katow était parvenu à se dresser. Celui qui commandait
l'escorte prit le bras de Kyo5 en sentit la raideur, saisit aussitôt Souen celui-
là aussi était raide. Une rumeur se propageait, des premiers rangs des
prisonniers aux derniers. Le chef d'escorte prit par le pied une jambe du
premier, puis du second; elles retombèrent, raides. Il appela l'officier.
Celui-ci fit les mêmes gestes. Parmi les prisonniers, la rumeur grossissait.
L'officier regarda Katow .

«Morts?»

Pourquoi répondre!

«Isolez les six prisonniers les plus prêches !

— Inutile, répondit Katow; c'est moi qui leur ai donné le cyanure».
L'officier hésita:

«Et vous? demanda-t-il enfin.

— Il n'y en avait que pour deux», répondit Katow avec une joie
profonde*.La Condition humaine (1933).
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Примечания:

1. Чуть изменившийся. 2. Прежде чем я поднес руку к своему телу 3 Шум, звон
(разг.) 4. Тени людей, напоминающие свежевырытые могилы 5 Кио отравился пре-
жде двух товарищей Катова.